Actualité du macronisme

Dans une quinzaine de jours, Édouard Philippe puis Emmanuel Macron présenteront « les grands axes de réponses » au grand débat avant « des décisions qui se déploieront jusqu’à l’été ». Après avoir cumulé plus d’une centaine d’heures de débat, au cours d’interminables marathons où la performance présidentielle a d’abord été très largement médiatisée et commentée avant de lasser par son coté répétitif, E. Macron est devant une équation compliquée.

L’irruption du mouvement des gilets jaunes puis les cahiers de doléances en mairie et les réunions publiques organisées dans le cadre du grand débat disent très clairement les attentes prioritaires : la justice sociale et fiscale, la dignité des vies, le pouvoir d’achat, les services publics, la santé, l’éducation, les mobilités, la lutte contre le réchauffement climatique et la transition écologique, des transformations démocratiques profondes. Le macronisme au pouvoir, il y a un an, avant le début de l’été et le déclenchement de l’affaire Benalla, théorisait l’idée selon laquelle l’intégralité du programme serait réalisée à mi-mandat. Aujourd’hui, il doit réfléchir à un nouveau récit en tentant de répondre aux colères et aux déceptions, aux critiques et aux défiances de différentes natures.

Pour rester dans « l’épure de ce qui fait l’ADN du macronisme », selon l’expression de Sébastien Lecornu (JDD du 10 mars), le pouvoir va tenter une sortie de crise avec des mesures dont on commence à deviner les contours : un geste sur les pensions des retraites sans revenir sur la hausse de la CSG, sur la progressivité de l’impôt sur le revenu sans mettre à contribution les plus fortunés, quelques modifications sur la fiscalité du capital sans rétablir l’ISF, un versement automatique de la prime d’activité sans augmenter le Smic... À chaque semaine son lot d’annonces et de ballons d’essai : le retour de la proposition sarkozyste de création de conseillers territoriaux, la suppression de la redevance audiovisuelle. Le pouvoir annonce des surprises. Malgré les efforts déployés, E. Macron, le gouvernement et la majorité présidentielle n’arrivent pas à créer un consensus dans le pays sur l’idée d’une réduction de la dépense publique pour financer les arbitrages budgétaires à venir. Cela ne passe pas. L’opinion publique est traversée par des paradoxes et des contradictions (voir la dernière enquête sur les libertés publiques) sur fond de brouillage persistant de repères et de valeurs.

« Et en même temps », l’exécutif poursuit une politique régressive avec des projets de loi, présentés en conseil des ministres ou votés au Parlement, sur la santé, l’éducation, les mobilités, la fonction publique. Une opération idéologique et politique de grande ampleur a été lancée ces derniers jours en mixant le dossier de la réforme des retraites à celui de la dépendance. Le pouvoir en place sait parfaitement que la politisation qui grandit dans la société, sous différentes formes, sur les enjeux sociaux, climatiques et démocratiques conteste radicalement l’orientation de la politique actuelle. E. Macron et le gouvernement ont choisi d’y répondre par une stratégie aux élections européennes, puis une nouvelle étape de recomposition politique, opposant les « progressistes » aux « nationalistes », tout en stabilisant un socle électoral allant chercher des renforts à droite avec des dispositifs de plus en plus répressifs et autoritaires pour répondre à une demande d’ordre.

Quoi d’autre que Macron ? L’élection européenne se jouera en partie sur cette question. Les électeurs qui décideront de se rendre aux urnes peuvent le faire tardivement et décider tout aussi tardivement du bulletin de vote qu’ils choisiront. À partir des sujets au cœur des préoccupations du plus grand nombre, parlons de la riposte à Macron, des luttes et des mobilisations, de la dimension européenne et du vote Ian Brossat. Lors des échanges, des arguments simples sont efficaces. Dire par exemple en quoi les futures décisions au Parlement européen auront des répercussions directes pour nos vies. Voyons combien la mobilisation spectaculaire des jeunes sur le climat ouvre des perspectives très positives. Il va y avoir des rendez-vous européen déterminants sur cette question. Comme sur celles des fonds sociaux, de la politique agricole commune, des traités de libre échange, de la taxation des Gafa, car qui peut raisonnablement dire que les 500 millions de la taxe française est au niveau des enjeux ? Des députés européens issus de la liste de Ian Brossat ou d’autres, ce n’est pas la même chose, les mêmes votes.

Et l’unité à gauche sur l’essentiel pour faire échouer le piège d’un bipartisme dominant Marcheurs/Lepénistes ? Après la publication des derniers sondages, les chroniqueurs commencent à positionner la liste LR comme la seule surprise possible. Seules ces trois listes dépassent aujourd’hui les 10 % dans les sondages. Ce paysage politique n’est absolument pas la traduction de ce qui se passe dans notre pays, au cœur de notre société. Elle peut conduire au pire. Il y a aujourd’hui une urgence politique, celle d’une perspective de gauche, forte et crédible, pour des rapports de forces idéologiques basculant vers un vrai progrès humain et écologique, pour mettre en œuvre des réformes justes, des solutions. µ

Olivier Dartigolles, membre du Comité exécutif national.