Renationaliser les autoroutes

Le 7 mars prochain, le groupe CRCE (communiste, républicain, citoyen et écologiste) soumettra au vote du Sénat deux propositions de loi. 

L’une pour interdire l’utilisation des lanceurs de balle de défense (LDB – anciennement flashballs) dans le cadre du maintien de l’ordre ; l’autre pour renationaliser les autoroutes. Le sujet de ce second texte a ressurgi dans le débat public dès les premières semaines de mobilisations des gilets jaunes. L’annonce d’une nouvelle hausse du prix des péages a cristallisé un mécontentement populaire tout à fait justifié.

Il faut rappeler ici que c’est en 2006 que l’État, tout en restant propriétaire, a concédé à des groupes privés la gestion du réseau autoroutier pour la somme des 14,8 milliards d’euros, en sachant pertinemment que cela rapporterait de l’argent, beaucoup d’argent aux concessionnaires. D’ailleurs, s’il n’avait pas privatisé les autoroutes, l’État aurait encaissé plus de recettes que les 14, 8 milliards d’euros de leur vente. Aujourd’hui 18 sociétés gèrent le réseau, parmi lesquelles des nouvelles qui ne sont pas encore bénéficiaires et des « historiques » parmi lesquels Vinci avec ses filiales mais aussi Eiffage, Sanef...

Ces « historiques » sont florissantes, d’autant qu’elles n’hésitent pas à faire appel à leurs propres filiales pour réaliser des travaux sur les tronçons autoroutiers. Les dividendes versés à leurs actionnaires sont édifiants: 1,3 milliard en 2014 ; 3,3 en 2015, 4,7 en 2016 et 1,7 annoncé pour 2017. Pourtant, la plupart d’entre elles sont endettées. Mais, comme le précise l’ARAFER (Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières), « cette dette est pratiquement soutenable et gérée dans l’intérêt des action- naires auxquels sont versés des dividendes considérables ».

Il s’agit donc bien d’un choix : privilégier le versement des dividendes et s’endetter pour investir... sur le dos des automobilistes. L’intérêt général est ici bafoué et les usagers considérés comme de simples réservoirs à dividendes.

L’État (propriétaire du réseau) est incapable de défendre ses intérêts et l’intérêt général. De mauvais choix en plan de relance défavorable aux intérêts publics, il s’est livré aux mains des intérêts commerciaux privés. Ainsi, toute disposition qui pourrait changer les termes des contrats passés avec les concessionnaires doit donner lieu à compensation.

Pour sortir de cette impuissance et en finir avec le détournement par les concessionnaires de l’argent public aux profits des actionnaires, nous proposons une solution: la renationalisation des autoroutes. Au nom de l’intérêt général, l’État peut racheter les contrats de concession. Certes cette opération est estimée entre 28 milliards et 50 milliards. Mais, comme le proposait une mission d’information parlementaire en 2004, l’État pourrait emprunter et cet emprunt serait remboursé non pas par l’impôt mais par le péage. C’est cette voie dans laquelle s’est, par exemple, engagée l’Espagne en annonçant la renationalisation de 500 kilomètres de tronçons qui vont ainsi repasser sous maitrise publique.

Cette proposition rejoint des revendications exposées par les gilets jaunes aujourd’hui mais également par nombre d’associations d’automobilistes et d’élus et ce depuis des années. Notre proposition de loi, que nous avions déjà déposée en 2014 mais qui n’avait pas été adoptée par le Sénat, s’inscrit pleinement dans ces exigences.