Bataille des salaires – L’exemple de Ratier/Lot

Pour Stéphane Sirot, spécialiste du syndicalisme, enseignant l’histoire politique et sociale à l’université de Cergy-Pontoise, « les conflits sociaux, principalement sur la question des salaires, se multiplient. Ces mobilisations ne sont pas récentes, on les constate depuis la fin de l’année dernière. Mais ce qui me frappe, c’est qu’elles se développent dans tous les secteurs, y compris ceux qui ne sont pas du tout habitués aux conflits sociaux, comme les entreprises du commerce telles que Sephora, ou dans les sociétés sous-traitantes dans le cas des aéroports. Cette accumulation de mobilisations autour de la question des salaires n’a aucune raison - si ce n’est l’arrivée des vacances - de s’essouffler.(…) Les mobilisations vont se poursuivre à la rentrée. »

Ces luttes ne sont pas uniquement liées au renchérissement du coût de la vie, dit-il : « Les revendications salariales sont antérieures à la hausse de l’inflation. Il y a une conjonction d’ingrédients, entre le coût de la vie qui augmente, les bas salaires et les profits annoncés par les entreprises qui sont parfois record. À ceci s’ajoute une situation qui, en termes d’emplois, est favorable à la mobilisation. Enfin le rapport au travail a sans doute évolué. Avec les confinements, une partie de la jeunesse, notamment, n’est plus prête à accepter n’importe quel emploi pour n’importe quel salaire. »

Ratier Figeac un conflit exemplaire

C’est par une belle matinée de la fin juin que la colère s’est exprimée chez les salariés de Ratier à Figeac. Ils ont décidé de « sortir » pour exprimer leur ras-le-bol de bosser pour ne pas pouvoir remplir le frigo arrivés au 25 du mois. Ils demandent alors une augmentation de 300 euros brut et sont épaulés par la CGT qui, dès lors, fédère le mouvement.

Ratier Figeac appartient au groupe américain Collins Aerospace, mais c’est avant tout une entreprise de 1 345 salariés implantée sur Figeac depuis plus d’un siècle. Et c’est surtout le premier hélicier mondial qui réalise 40 millions d’euros de bénéfices nets après impôts chaque année, distribue 8,5 millions de dividendes par an (21,5 millions en 2021 !!) et dispose de plus de 200 millions de trésorerie au Luxembourg via un fonds d’optimisation fiscale qui passe par les îles anglo-normandes et le Delaware.

Alors oui, ils sont sortis les métallos, techniciens, cadres, administratifs. Ils étaient 450 à 500 tous les matins pendant 3 semaines dans la cour d’honneur de leur usine pour accueillir leur PDG. Ils sont allés sur le marché du samedi pour diffuser leurs fiches de paie d’ouvrier qualifié à 1 450 euros net ancienneté comprise, et ils ont sans relâche interpellé les élus de ce territoire auquel ils tiennent tant.

Le mépris de la direction à leur égard fut d’une ampleur rarement vue, mais ils ont tenu, nos fiers combattants, avec l’aide inconditionnelle de la CGT et des copains du PCF 46 qui furent présents tous les jours à leurs côtés par l’intermédiaire des camarades de la section de Figeac !

Ce conflit est historique ; car s’ils n’ont pas obtenu les 300 euros, nos camarades en lutte ont réussi à faire plier la direction, acquérant une augmentation générale de 120 euros brut au 1er juillet, une prime PEPA de 100 euros, l’ouverture de négociations salariales au 1er novembre, et l’étalement des jours de grève sur 3 mois.

Mis à part ces gains essentiels, ces femmes et ces hommes ont trouvé dans ce mouvement une conscience collective, un lien fraternel et social, la fierté et la dignité. Ce moment de lutte est un exemple pour nous tous et nous encourage à poursuivre le combat pour un monde plus juste et plus libre.

Olivier Lacombe, secrétaire de section PCF Figeac