Budget européen - Premier axe de bataille

Le prochain Parlement européen aura à débattre dès l’automne du cadre financier 2021-2027, test décisif quant à l’orientation de la neuvième législature. Nous aurons à notre extrême opposé le poids montant de ces alliances gouvernementales à forte composante d’extrême droite.

Déjà très nuisible, l’intervention européenne des partis autoritaires qui ont accédé au pouvoir s’en trouvera mécaniquement renforcée. Dans le même temps, l’alliance des gouvernements libéraux d’Europe du Nord, épaulés par Macron ou Merkel, rivalisent dans l’ode à la libre entreprise. Cette nouvelle combinaison toxique doit être mise en échec dès aujourd’hui.

Nous avons un premier axe de bataille à mener pour rendre définitivement caduc le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) signé en 2012, qui prévoit des dispositifs drastiques de contrôle des budgets des Etats et le renforcement de l’austérité. Ce traité d’une validité expérimentale de 5 ans devait recevoir l’aval du Parlement européen avant le 1er janvier pour entrer dans le droit européen. Le vote n’ayant pas lieu avant cette date, il sera soumis à la nouvelle Assemblée. Nous avons donc besoin du plus grand nombre de députés qui non seulement s’y opposeront mais débusqueront l’hypocrisie de celles et ceux qui choisissent délibérément d’amputer le pays de crédits publics utiles.

L’actuelle Commission entend déjà restreindre, dans le cadre financier 2021-2027, les moyens des trois grands piliers distributifs du budget communautaire qui représentent 70 % des crédits : le Fonds social européen+ (FSE+), la Politique agricole commune (PAC) et le Fonds de développement régional (FEDER). Ces baisses budgétaires sont motivées par l’affectation de moyens financiers dédiés à la militarisation des frontières extérieures (FRONTEX) et à l’embryon de projet de défense européenne. Ce sont des choix politiques qu’il faudra mettre en débat et combattre.

Front commun de résistance

Rien que pour la PAC les coupes annoncées le sont à hauteur de 15, voire 30 % ! Une telle saignée aggraverait les vices du modèle agricole européen et sonnerait le glas d’une agriculture paysanne : déjà, entre 2007 et 2017, quatre millions d’exploitations ont disparu, soit une sur quatre. La tendance lourde est à la concentration agricole portée par la libéralisation des prix et de la production. Globalement il est incohérent de rationner les moyens de la PAC quand l’évolution vers des cultures nourricières, une alimentation de qualité exigées par les citoyens demande des aides à l’installation, une taille d’exploitation moyenne et des mutualisations de moyens.

Notre objectif de réappropriation de la politique agricole est évidemment contradictoire avec les négociations commerciales en cours avec les géants agricoles. Et n’oublions pas que les industriels de l’automobile allemande pèsent de tout leur poids pour céder au chantage de Trump : nos protections alimentaires contre les OGM et les viandes traitées aux hormones, difficilement imposées aux gouvernements, seraient troquées contre un accord « d’apaisement commercial ».

Un autre enjeu immédiat de l’intervention politique dans l’enceinte du Parlement et dans la mobilisation citoyenne est de refuser la réduction des crédits du Fonds social européen (FSE). Là encore, l’actuelle Commission prépare des amputations importantes : elle enclenche une réforme dite « FSE + » qui fusionnera avec le FSE les fonds comme le financement des actions dites « Initiatives Emplois Jeunes » obtenues de haute lutte. Autre fonds européen concerné par cette fusion : le fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) qui organise une assistance matérielle et alimentaire à 15 millions de personnes, et pour lequel je viens d’organiser le 20 mars, avec le Secours populaire, une journée d’échanges et de mobilisation à Bruxelles.

Sur le troisième grand domaine des politiques européennes communes, le Fonds européen de développement régional (FEDER), le clivage se fait particulièrement sur « la conditionnalité » du financement européen. Je poursuis depuis six ans une opposition soutenue contre la Commission qui entend conditionner l’accès aux fonds européens à l’application locale des critères d’austérité. Or, il n’est pas seulement injuste de demander aux régions, aux quartiers et aux populations les moins pourvues d’être les plus économes en services publics. C’est un choix idéologique dangereux qui tire l’économie européenne vers le bas et contribue à la montée en flèche de l’extrême droite.

Au travers des clivages budgétaires, c’est à un front commun de résistance et de propositions que les candidats de la liste portée par Ian Brossat ont à s’atteler contre le travail de sape que mènent aussi bien Macron que Merkel, Orban ou Salvini, pour une Europe des gens et contre une Europe de l’argent.

Patrick Le Hyaric, député européen