Le nouveau Parlement européen

Une analyse plus profonde des résultats des élections européennes dans les différents pays de l’Union est nécessaire mais il est possible d’en tirer quelques lignes de force dès à présent.

La principale leçon de ce scrutin est qu’il montre à nouveau la crise d’hégémonie prolongée, voire la crise organique, qui traverse l’ensemble de l’Union européenne. Les effets de la crise du capitalisme et de ses conséquences sociales et les effets de la crise de la construction capitaliste de l’UE sont prégnants. Dans une majorité des pays de l’UE, la liste soutenue par le gouvernement en place est battue. Une majorité de gestion libérale peut certes se dégager du nouveau Parlement européen, étant donné que la diminution globale des sociaux-démocrates et des conservateurs est palliée par la montée des libéraux et, dans une certaine mesure, des possibilités d’alliance à géométrie variable des Verts. C’est cependant un trompe-l’œil.

La participation augmente en moyenne sur l’ensemble de l’UE (50,9%, soit +7% par rapport à 2014). Mais elle est marquée par de fortes disparités et est portée vers le haut par les pays où elle augmente de plus de 10% voire de 20% comme cela est le cas en Espagne. Il n’en demeure pas moins que 49% des citoyens ne sont pas allés voter.

De plus, ce scrutin est marqué par l’augmentation globale des forces d’extrême droite ethnicistes et des forces de droite conservatrices influencées par elles. Si la répartition exacte de ces partis dans les différents groupes du Parlement et si l’impact réel de la volonté de Salvini de constituer une «ligue des ligues» demeurent encore inconnus, il n’en reste pas moins que l’ensemble de ces forces regrouperont environ 180 sièges au Parlement et imprimeront leur influence sur une partie du Parti populaire européen (droite conservatrice) et, partant, seront en mesure d’influer sur les politiques européennes.

“La lutte pour une Europe des gens, pour une union des peuples et des nations est plus nécessaire que jamais.”

À gauche, la social-démocratie évolue également. Les partis «historiques» de cette social-démocratie sont en crise, comme en France, en Allemagne, voire, dans le contexte particulier du Brexit, au Royaume-Uni. Mais la social-démocratie libérale nordique et néerlandaise parvient à tirer son épingle du jeu. À l’autre bout de l’Europe, les PS espagnol et portugais, qui ont expérimenté des formes d’«alliance» avec la gauche «radicale», en engrangent également les bénéfices.

Surtout, la forte augmentation des Verts, en Allemagne, en Belgique, en Irlande par exemple, là où ils sont ouverts à des alliances à géométrie variable avec les libéraux, est une question qui doit interroger la gauche. Ils auront réussi à capter les inquiétudes sur le réchauffement climatique et l’aspiration à une planète vivable. Cela montre également que le mouvement ouvrier dit traditionnel ne parvient pas (encore) à montrer qu’il peut aussi apporter des réponses à ces préoccupations.

Le groupe de la Gauche unitaire européenne comptera moins de 40 députés, ce qui devrait en faire le plus petit groupe au Parlement européen. Il devrait se composer comme suit (selon les estimations du Parlement européen du mardi 28 mai à 14 heures): Allemagne: 6 députés, Die Linke. Belgique: 1 député, PTB. Chypre: 2 députés, AKEL. Danemark: 1 député, ARV. Espagne: 5 députés répartis entre Podemos et Izquierda Unida. Finlande: 1 député, Parti de gauche. France: 6 députés, LFI. Grèce: 6 députés, Syriza. Irlande: 3 députés Sinn Fein (auxquels il faut ajouter 1 élu dans les 6 comtés du Nord durant la période transitoire du Brexit) et 1 Independant for change. Pays-Bas: 1 député, Parti des animaux. Portugal: 4 députés répartis entre le Bloco (2) et le PCP (2). Suède: 1 député, Parti de gauche. République Tchèque: 1 député, KSCM.

La perte des députés du PCF, pour la première fois depuis 1979, s’inscrit dans ce contexte. Cette nouvelle réalité du Parlement européen appelle à multiplier les efforts de coopération entre les partis de la GUE, du PGE, du forum européen des forces progressistes, écologistes et de gauche, pour permettre une meilleure prise en compte des politiques européennes en dehors des séquences électorales. Car la lutte pour une Europe des gens, contre l’Europe de l’argent, pour une Union des peuples et des nations libres, souverains et associés, pour une Europe des conquêtes sociales, de la transition écologique, de la paix et de la sécurité collective est plus nécessaire que jamais.

Vincent Boulet
responsable-adjoint aux questions européennes