Les États-Unis fracturés et traumatisés par la présidence D. Trump

Deux mois après l’élection de Joe Biden, les représentants et les sénateurs des États-Unis ont validé les résultats le 6 janvier. Le président D. Trump, qui refusait toujours de reconnaître sa défaite, avait depuis longtemps donné rendez-vous à ses partisans à Washington et, avec sa horde d’affidés, il a déclenché la sédition aux cris de « Be wild » (« lâchez-vous »).

Près de 20 000 personnes ont participé à ce rassemblement qui a abouti à la prise d’assaut du Capitole par 300 d’entre eux. Ces émeutiers souvent armés, organisés en milices et groupuscules suprémacistes, racistes et fascistes, s’ils comptent très peu d’adhérents dans le pays, n’en bénéficient pas moins d’une large audience dans la masse trumpiste fanatisée et persuadée que le scrutin a été « truqué ».


Même si la sédition ne fut que temporaire, la profanation de ce lieu central est perçue comme une humiliation, un traumatisme comparable à celui consécutif du 11 septembre. L’incompréhension est d’autant plus profonde et durable que cette fois-ci l’« ennemi » vient de l’intérieur.


Ces événements donnent la mesure de la fracture qui divise la société américaine. Des décennies de néolibéralisme, d’inégalités, de ségrégation, de racisme et de violence structurels, de volonté hégémonique, de guerres impérialistes, accentuées par le projet de rupture avec la démocratie de D. Trump, laissent un champ de ruine.

Le bilan économique de la présidence de D. Trump est un désastre, le chômage est reparti à la hausse, la pauvreté flambe, tandis que la pandémie de Covid-19 fait des ravages. En dépit du fait que J. Biden ait rassemblé 81 millions d’électeurs et qu’il bénéficiera d’une majorité dans les deux Chambres, après le vote en Géorgie, D. Trump a capitalisé sur son nom 74 millions d’entre eux tandis que 80 millions de citoyens ne se sont pas rendus aux urnes. Si nul ne peut prévoir ce que sera l’avenir de celui qui assène avoir réalisé le plus magnifique premier mandat, ses annonces (« the game just begun ») laissent planer de lourdes menaces. De plus, les partis républicain et démocrate sortent fragilisés et divisés de cette séquence.


L’arrivée de J. Biden au pouvoir, soutenu par les milliards de grandes entreprises et de groupes financiers, constitue un soulagement pour Wall Street. Les représentants des milieux d’affaires dominent le nouveau gouvernement, même si la diversité ethnique et de genre apparaît plus visible. Il n’y aura pas de rupture fondamentale en matière de politique intérieure, même si le nouveau président dit vouloir agir pour la transition écologique, avec un retour aux accords de Paris, qu’il entend moderniser les infrastructures et a promis d’élever le salaire minimum fédéral.

Quant à la politique étrangère, elle sera sans doute moins fantasque, mais l’objectif de « mener le monde » demeure inchangé. Le projet d’un « sommet des démocraties » est à cet égard inquiétant car il exclut la Chine et la Russie considérées comme des puissances à combattre. J. Biden a exprimé le vœu de renouer les discussions autour du nucléaire iranien mais il entérine la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et conforte son alliance offensive et agressive avec les monarchies du Golfe. Dans l’immédiat et face à l’ampleur des catastrophes que le pays doit affronter, J. Biden pourrait toutefois être amené à prendre rapidement des mesures actives.


Pour autant, des forces nouvelles se sont levées aux États-Unis. Des centaines de milliers d’adolescents ont manifesté contre les armes à feu, des millions de femmes et LGBT ont dénoncé le sexisme de D. Trump. Après la mort de G. Floyd, le formidable mouvement Black Lives Matter s’attaque au racisme, aux violences policières, aux injustices et à l’exploitation dans une « mixité » nouvelle. La campagne de B. Sanders a redonné l’espoir d’une société nouvelle, plus juste, égalitaire, fraternelle et libre. Dans son sillage, ils seront une dizaine de représentants et de sénateurs à siéger pour porter, d’une voix forte, ces nouvelles aspirations.

Michel Muller
membre du secteur International du PCF