Pour un débat approfondi

Fabien Roussel présentait son rapport à la réunion du CN du 2 juillet comme "un premier temps d'échange après une séquence électorale qui appelle un débat approfondi". Extraits concernant le score de l’extrême droite puis les résultats de la Nupes.

Après avoir atteint un score historique au second tour de l’élection présidentielle avec Marine Le Pen, l’extrême droite dispose désormais du deuxième groupe à l’Assemblée nationale, avec 89 députés.

Un plafond de verre a sauté, tant à la présidentielle qu’aux législatives. Cette nouvelle donne remet en cause toutes les certitudes sur la soi-disant impossibilité pour l’extrême droite d’accéder au pouvoir.

Alors que la droite va connaître un processus de recomposition et de redéfinition de sa stratégie, ce poids nouveau de l’extrême droite peut lui permettre d’appliquer une solution autoritaire et brutale à la crise française.

Il n’est pas anodin qu’une fraction non négligeable de l’électorat de droite ait voté sans états d’âme pour les représentants du RN pour battre la gauche unie lors de ces législatives.

Une telle perspective ne doit pas être minimisée, surtout quand on en connaît les conséquences pour les libertés, pour la démocratie, pour les droits sociaux. Décidément, comme nous n’avons cessé de le dire, la République est bien le grand enjeu du moment.

Nous avons besoin de travailler sérieusement sur les ressorts du vote en faveur de l’extrême droite. C’est quand même la force grande gagnante de ces élections.

Les voix de ses candidats ont progressé de plus de 6 points avec 1,7 million de voix en plus au premier tour de la présidentielle, et 7,5 points et 2,6 millions de voix au second tour par rapport à 2017. L’extrême droite progresse aussi fortement en nombre de voix dès le premier tour, s’invitant même maintenant dans les centres urbains.

Contrairement à 2017, Marine Le Pen a confirmé sa percée aux deux tours des élections législatives, malgré sa défaite face à Macron.

Depuis des années, l’extrême droite travaille à s’implanter dans les territoires. Elle s’emploie avec méthode à détourner la désespérance sociale et la colère d’une partie des classes populaires au profit de son projet de division du peuple de France.

Elle est désormais parvenue à apparaître, aux yeux d’un large pan de l’électorat, comme un débouché possible pour une volonté de changement qui ne trouve pas d’écho suffisant à gauche. 

C’est ce qui explique le vote d’un si grand nombre d’électeurs de la France dite périphérique, de ces territoires où la dégradation des politiques publiques se fait ressentir plus durement qu’ailleurs.

Dans de nombreux départements ou de circonscriptions, les habitants ont vu les bureaux de Poste fermer, puis les permanences de la Sécu, puis la gare, la ligne de train du quotidien, la trésorerie municipale, puis les gendarmeries, les commissariats.

En même temps, ce sont les usines qui ont disparu, laissant derrière elles des territoires exsangues, avec des écoles, des hôpitaux, des commerces qui ferment dans la foulée.

Regardez la carte électorale du RN et vous trouverez des territoires abandonnés par les services publics mais aussi meurtris par les fermetures d’usines telles que Bridgestone, Renault, Peugeot ou Ford, disparues au cours de ces dernières années.

Dans ces campagnes, dans ces territoires semi-ruraux et semi-urbains, le RN fait carton plein, mais en plus la gauche est à la peine. Quand bien même elle est unie.

C’est d’ailleurs dans ces circonscriptions que le discours anti-voiture, anti-police, anti-nucléaire… de certains candidats de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale ne sont pas toujours bien passés.

C’est bien tout l’enjeu des semaines et des mois à venir : réussir à convaincre autant les habitants des grandes villes, des métropoles, que ceux de la campagne et de la ruralité. Ne les opposons pas !

Pour une réflexion stratégique poussée

(…) À cet égard, l’alliance électorale constituée par la Nouvelle union populaire, écologique et sociale a indéniablement permis de répondre au désir d’union du peuple de gauche. Elle a favorisé le retour du clivage droite-gauche dans les confrontations politiques nationales. Elle a acté la convergence de toutes les composantes de gauche sur une série d’objectifs communs, de propositions communes, sans pour autant dissimuler les différences et les désaccords.

Elle a permis de qualifier de nombreux candidats de gauche au second tour et de faire élire un nombre bien plus important de députés de gauche. Ils sont ainsi un peu plus du double de ce qu’ils étaient sous la précédente législature. Maintenant que les groupes ont été déposés à l’Assemblée nationale, il n’y aura plus de débat sur les chiffres. Les députés issus de ces 4 groupes politiques et qui ont été élus avec l’étiquette Nupes sont au nombre de 151, le groupe LFI 75, le groupe PS 31, le groupe écologique 23 et le groupe GDR 22.

Nous sommes donc au nombre de 151, donc 151 à défendre nos propositions défendues dans le cadre des législatives.

Il s’agit là de résultats très positifs, auxquels nous avons largement contribué. Ne boudons pas ce résultat.

Je sais que l’accord conclu après trois longues semaines de discussion, largement validé par nos directions réunies quotidiennement, a été difficile à avaler dans beaucoup d’endroits où des candidatures remarquables auraient pu l’emporter et permettre de gagner plus de députés de gauche. Je pense notamment à Bagneux, à Vénissieux, à Villejuif, villes où notre parti avait toute la légitimité politique, et avec des femmes candidates, à obtenir l’investiture de notre union…

Nous n’avons pas réussi à obtenir leurs investitures.

Si nous ne gagnons que deux députés, c’est bien parce que nos partenaires ne partageaient pas notre conception de la construction des candidatures et nous ont imposé des circonscriptions difficiles, malgré de solides atouts avec nos candidats.

Un autre constat s’impose : nous n’avons pas retrouvé les scores cumulés des quatre candidatures de gauche à la présidentielle ; nous n’avons pas suscité l’élan de remobilisation qui aurait pu faire refluer l’abstention. Résultat : le total des voix recueillies par notre coalition électorale n’a pas progressé par rapport au total des suffrages de gauche de 2017, contrairement à l’extrême droite. 

Tout cela appelle, à gauche, une réflexion stratégique poussée.

C’est le sens du courrier que j’ai adressé aux responsables des trois forces politiques afin de pouvoir en parler en toute franchise, sans tabou. L’objectif est de progresser, d’être constructifs, d’avancer et de ne pas briser le formidable espoir né de cette union.

Si nous voulons relever les défis immenses auxquels nous sommes confrontés, il nous faut aller plus loin, être capables de parler à tous les Français, ceux des banlieues comme ceux de la campagne. Nous devons être capables d’aborder ensemble les questions essentielles du travail, de la souveraineté énergétique, de l’égalité des citoyens, de l’abandon des territoires ruraux, de la peur du déclassement de nombreux salariés.

C’est maintenant, dans l’action, que ces rassemblements doivent se construire, partout, dans nos régions, dans nos départements, dans nos villes. Et j’invite les communistes à être à l’initiative en invitant tous les citoyens à débattre des urgences dans chaque territoire.