Education : pour une école en commun

Contre une école de la concurrence et de la soumission, pour une école en commun. Marine Roussillon, membre du comité exécutif national, en charge des questions d’éducation, détaille les ressorts de la « loi Blanquer » et rappelle les axes du projet d’une école en commun, proposée par les communistes.

COMMENT CARACTÉRISER LA « LOI BLANQUER » ?

MARINE ROUSSILLON : Blanquer parle d’école de la confiance mais sa conception de la confiance est ultra-libérale : que chacun se débrouille comme il peut ! Blanquer vous fait « confiance » pour que vous vous en sortiez seuls, dans un système qui vous abandonne en vérité, qui abandonne les enseignants à la pénurie de moyens, qui abandonne les lycéens aux choix individuels de leurs parcours, dans un marché de l’éducation complètement opaque.

Ce qui est visé ici, c’est de faire le tri social. L’école de Blanquer, c’est une école de la concurrence et de la soumission. Concurrence parce que tous les cadres collectifs sont cassés au profit de parcours individualisés ; chaque jeune est amené à choisir son établissement, ses options, son parcours, et il va être sélectionné de manière de plus en plus précoce, ce qui va l’isoler, le mettre en concurrence avec les autres et produire de plus en plus d’inégalités sociales. Soumission parce que cette loi est extrêmement autoritaire, à la fois dans la manière dont elle a été votée, contre l’avis de l’ensemble de la communauté éducative ; et autoritaire dans ce qu’elle porte, c’est-à-dire une reprise en main autoritaire par le ministre du système éducatif.

L’article 1 est emblématique, il réduit la liberté d’expression des enseignants et introduit la possibilité de les sanctionner, voire de les révoquer, s’ils critiquent publiquement l’institution. Et puis il y a la reprise en main de la formation des enseignants, la reprise en main aussi de l’évaluation du système. J’ajoute deux mesures phares, celles dont on a beaucoup parlé : l’instruction obligatoire à trois ans. La loi introduit de la concurrence en maternelle. On va obliger les communes à financer les maternelles privées. Ça ne changera rien à la réalité de la scolarisation (la quasi-totalité de ces enfants vont à l’école) mais on ouvre un marché à l’enseignement privé, sur le dos des communes. Cela ouvre un nouvel espace en matière de ségrégation scolaire, on trie les enfants dès le plus jeune âge.

Seconde mesure frappante : l’introduction, par amendement, donc sans consultation des organisations professionnelles, de « l’école du socle », c’est-à-dire « des établissements publics des savoirs fondamentaux ». C’est la possibilité de regrouper des classes de primaire et de collège dans une même administration sur simple décision des collectivités locales, sans consultation des personnels. On voit bien les conséquences budgétaires, le but étant de faire des économies en postes, voire de fermer des écoles, en particulier dans les zones rurales, zones déjà désertifiées où l’école reste le dernier service public. Donc fermetures, temps de trajets trop longs pour les élèves, etc. On va aller vers une école primaire à deux vitesses ; d’un côté il y aura ces « établissements publics des savoirs fondamentaux » et puis, pour les autres, des écoles qui permettront d’aller au collège, au lycée, à des études longues. Là aussi s’opérerait un tri de plus en plus précoce.

ET NOTRE PROJET D’ÉCOLE ?

M. R. : Ce qu’on oppose à ça, c’est une école de l’égalité et de l’émancipation, qui permette à tous les jeunes de s’approprier les savoirs complexes qui leur seront nécessaires pour être ensuite, dans leur vie d’adultes, pleinement citoyens, dans la démocratie, dans leur entreprise, pour prendre les décisions auxquelles ils seront confrontés : http://www.pcf.fr/argumentaire_ecole Tous les enfants sont capables d’apprendre, il n’y a aucune raison de les trier de manière précoce. Par contre, il faut transformer l’école pour qu’elle donne à tous les moyens d’acquérir cette culture commune. Plutôt qu’une école qui trie, on défendrait au contraire une école commune, plus longue, avec une scolarité obligatoire prolongée jusqu’à 18 ans, en renforçant le caractère national du baccalauréat, en garantissant pour tous les bacheliers la possibilité d’intégrer le supérieur dans les filières de leur choix.

Propos recueillis par Gérard Streiff

http://reseau-ecole.pcf.fr/110540