Soudan: Le peuple a fait l’expérience de sa force, il n’acceptera pas le vol de son insurrection

Le feu vert et les conseils de l’Égypte et de l’Arabie saoudite ont été reçus cinq sur cinq par la nouvelle junte au pouvoir au Soudan. La négociation à Khartoum entre militaires et civils, en cours depuis la chute du dictateur Omar el-Béchir le 11 avril dernier, est terminée. La reprise en main a été menée par les forces d’intervention rapide et la police qui ont évacué dans le sang le sit-in permanent de l’opposition à Khartoum. Plus de 100 manifestants tués et des centaines d’autres blessés, le signal est sans ambiguïté: le régime a changé, pour que rien ne change.

Ce sont les mêmes agissements d’une caste brutale au pouvoir, prête à tout pour défendre ses prébendes. Le Conseil militaire de transition, qui annonce l’arrêt des négociations avec les civils et de prétendues élections dans 9 mois, a dévoilé son vrai visage. Son numéro 2 n’est autre que Mohamed Hamdan Dagolo, surnommé Hemeti, connu pour ses exactions à la tête des anciennes milices «janjaweed» lors du conflit au Darfour. L’homme de paille de la junte avait été choisi à l’époque par Omar el-Béchir pour assurer la lutte contre l’immigration clandestine transitant par le Soudan, dans le cadre de l’accord scandaleux passé entre la Commission européenne et Khartoum. Au nom des services rendus et de cyniques intérêts, Bruxelles «dealait» avec les pires criminels. Ce sont les mêmes qui aujourd’hui conduisent les exactions. On comprend l’embarras et le silence des diplomaties occidentales...

Malgré la répression et l’influence néfaste en Afrique des monarchies du Golfe avec la complicité des grandes puissances impérialistes comme les États-Unis et la France, la séquence n’est pas terminée.

“Les progressistes et les démocrates doivent se mobiliser pour apporter leur soutien au peuple soudanais”

L’histoire du Soudan est jalonnée de multiples contestations, qui constituent un terreau florissant. La chute d’Omar el-Béchir intervient après de nombreux mouvements de révolte lors de la dernière décennie. Aux revendications initiales contre la hausse du prix du pain et des denrées de première nécessité en décembre 2018, se sont greffées au fil du temps des revendications de plus en plus politiques, dont le départ du dictateur, qui a été obtenu.

Le peuple soudanais a fait l’expérience de sa force. Il n’acceptera pas le vol de son insurrection. Depuis 30 ans, il a subi les crimes économiques et de sang du régime, les politiques d’austérité imposées par le FMI, la pauvreté alors que la bourgeoisie se gave des richesses du sous-sol. Depuis 30 ans, le pays est miné par la guerre. D’abord avec le Soudan du Sud, qui a voté pour son indépendance en 2011, sans que le conflit (notamment pour les ressources) ne cesse pour autant. Ensuite au Darfour, au Nil Bleu, au Sud-Kordofan et à l’est du pays. C’est avec ces guerres, ces violences économiques et la répression des libertés que le peuple soudanais veut en finir.

Le Parti communiste français condamne cette répression meurtrière avec la dernière énergie. Il soutient l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC) et le Parti communiste soudanais (SCP) qui ont lancé une grève et une désobéissance civile pour mettre fin à ce régime contre-révolutionnaire et sanguinaire. Les progressistes et les démocrates en France et ailleurs dans le monde doivent se mobiliser pour apporter leur soutien au peuple soudanais et mettre en lumière la duplicité des grandes et moyennes puissances qui tentent de perpétuer leurs dominations mortifères dans ce pays.

Félix Atchadé
Collectif Afrique du PCF
article publié dans CommunisteS du 12 juin 2019

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