Titre III, loi Helms-Burton : sous le prétexte cubain, l’aube d’une guerre économique sans précédent contre l’Europe

Voilà soixante ans que l’administration étasunienne asphyxie le peuple cubain avec un blocus accompagné de sanctions économiques et financières, en toute illégalité du droit international. Blocus condamné et rejeté depuis des années par l’ensemble de la communauté internationale siégeant à l’ONU, à l’exception d’Israël et bien entendu des États-Unis.

Un blocus qui, depuis sa mise en œuvre, a créé un manque à gagner pour le développement économique cubain et les besoins de la population de 132 milliards de dollars à prix courant.

Au moment où ces mêmes méthodes sont utilisées contre le Venezuela, l’administration Trump vient de franchir un nouveau pas pour renforcer le blocus économique contre Cuba, par l’activation du titre III de la loi Helms-Burton sur les biens cubains, à compter du 2 mai 2019.

Cette loi mise en place en 1996, universalisant le blocus du fait de son caractère extraterritorial, est l’une des plus virulentes mesures de rétorsion prises à l’encontre de Cuba et de ses partenaires économiques.

Son activation n’a d’autre but que d’asphyxier davantage l’économie cubaine. C’est une véritable déclaration de guerre commerciale, notamment pour les entreprises françaises et européennes, et contre l’accord en faveur de véritables coopérations avec la France et l’UE signé il y a quelques mois, hors des sentiers d’asservissement des « traités de libre-échange ».

Le titre III permet, en particulier aux exilés cubains, de poursuivre devant les tribunaux fédéraux américains les entreprises suspectées de « trafiquer » (commercer) avec des biens ayant appartenu à des ressortissants américains (ou à des exilés cubains), nationalisés pour la plupart après la révolution de 1959. Par « trafic », Washington entend « les investissements dans des biens nationalisés, la détention d’un intérêt légal sur ces biens ou la réalisation d’affaires directes avec ces biens, la gestion ou la location de ces biens ». Le texte définit comme « faisant du trafic » quiconque participe à une activité commerciale dans laquelle il utilise un bien nationalisé ou en tire un profit quelconque.

Malgré le blocus, des sociétés européennes ont investi à Cuba et pourraient se voir aujourd’hui contraintes de quitter l'île pour ne pas être sanctionnées sur le sol étasunien. La loi Helms-Burton cherche à codifier l’interdiction aux concurrents des États-Unis d’investir et superpose au droit international celui du droit américain afin de sanctuariser des marchés.

Les sanctions brandies, qui consistent à menacer de fermer le marché états-unien à toute entreprise commerçant avec Cuba, deviennent plus que dissuasives, du fait qu’elles imposent un choix : soit celui du « grand » marché américain, soit celui du « petit » marché cubain.

Certains se frottent les mains, comme l’entreprise productrice de rhum Bacardi – dont les avocats sont les rédacteurs de la loi – exilée aux États-Unis après avoir été nationalisée. Elle ne rêve que de voir le groupe français Pernod-Ricard, producteur, par le biais d’une co-entreprise détenue par l’État cubain, du rhum « Havana Club », quitter Cuba.

Avec la réactivation du titre III qui menace directement des entreprises espagnoles et françaises présentes à Cuba, le 17 avril dernier, l’UE a dénoncé, par la voix de sa commissaire européenne au Commerce et de sa chef de la diplomatie, « une décision qui aurait un impact important sur les opérateurs économiques européens entraînant une spirale inutile de poursuites judiciaires ».

En ce sens, l’UE se réserve la possibilité d’user de tous les moyens de recours à sa disposition, dont celui en direction de l’organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC.

Déjà, en 2016, les députés Pierre Lellouche et Karine Berger chargés d’une mission d’information, avaient démontré la logique de l’administration Trump d’utilisation du droit pour défendre ses intérêts économiques et éliminer les concurrents, et préconisé d’instaurer un mécanisme de blocage à l’échelle européenne afin de faire face à l’offensive américaine. On attend aujourd’hui la position de la France.

Sans nul doute, la loi Helms-Burton aura été au cœur du débat avec la délégation du PCF conduite par André Chassaigne lors de la célébration du 1er Mai à Cuba.

Laurent Péréa,
membre du conseil national du PCF,
responsable-adjoint des relations internationales,
chargé de l’Amérique latine.

 

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