8 mai/Centenaire - Pourquoi il ne faut pas perdre la mémoire par temps de Covid

Vendredi 8 mai marquera le 75e anniversaire de la capitulation nazie. Le confinement ne permettra pas d’organiser les commémorations de grande ampleur qui étaient légitimement prévues, ni même celles habituellement tenues chaque année. Une belle initiative a toutefois été prise par plusieurs associations mémorielles comme le Comité parisien de la Libération : il s’agit d’aller déposer, individuellement, en respectant toutes les précautions sanitaires, une fleur, un dessin, un poème, un simple texte là où se dressent les monuments aux morts, où sont fixées des plaques…

S’agit-il d’un luxe déraisonnable ? Nous ne le croyons pas. Certes, les nombreux parallèles dressés entre les années 1930 et notre époque ne sont jamais pleinement convaincants : Le Pen n’est pas Déat, Olivier Faure n’est pas davantage Léon Blum et, plus encore, aucun pays n’incarne aujourd’hui ce qui apparaissait à tant comme le vif espoir soviétique. Reste qu’à la veille d’une crise économique qui s’annonce redoutable – et que le Covid révèle bien plus qu’elle ne la cause –, la terrible leçon des années 1930 ne doit surtout pas être oubliée. Or on voit bien que les mirages xénophobes, les tentations autoritaires, déjà bien présents dans notre « monde d’hier », entendent se présenter comme des solutions effectives aux problèmes déjà là comme à ceux qui nous attendent, le « jour d’après ». Le 8 Mai doit permettre de se rappeler qu’il n’y a jamais là de solution – et par 8 Mai, on entend aussi, ici, le sinistre printemps algérien 1945 marqué par cette répression atroce qui ne résolut aucun des problèmes posés. Il peut aussi, si on en fait vivre la mémoire, indiquer des chemins d’alternative : n’est-ce pas là que se pense et se construit la Sécurité sociale qui montre chaque jour son bien-fondé ? Sans nostalgie, sans tentation de penser le présent comme décalque du passé, on gagnera à voir L’Esprit de 45 de Ken Loach que le cinéaste britannique met à disposition gratuitement pour celles et ceux qui ont Internet.

Beaucoup d’anniversaires semblent toutefois menacés ? Le 150e de la naissance de Lénine, en avril, n’a guère pu être marqué. Le 50e de la mort d’Elsa Triolet, en juin, n’aura pas l’ampleur méritée. Quid du bicentenaire d’Engels, en novembre ? L’avenir est si incertain qu’il rend flou le passé…

Dans ce contexte, que devient le centenaire du Parti communiste ?

A-t-il encore du sens ou nous place-t-il dans une dimension boutiquière, absolument à l’écart du moment politique que notre peuple vit ? On veut se rappeler qu’en 1939, les communistes, plus que toutes les autres forces politiques, avaient tenu à marquer le 150e anniversaire de la Révolution française : les périls de l’heure étaient pourtant très grands et les communistes en avaient pleine conscience. Mais, justement, célébrer la Révolution française en 1939 c’était, certes, évoquer le passé, mais en même temps pointer une direction de sens, une direction politique, un héritage de principes et de droits à préserver face aux fascistes, ces irréductibles anti-Lumières, un héritage à prolonger.

En pleine crise du Covid, c’est bien, à toutes les étapes, la criminelle logique du capitalisme qui est mise à nu dans toute sa hideur. Ce sont ces mots de Marx dont on retrouve le macabre écho : « Après moi le déluge ! Telle est la devise de tout capitaliste […] Le capital n’a […] aucun scrupule s’agissant de la santé et de l’espérance de vie du travailleur, s’il n’y est pas contraint par la société. À toutes les plaintes concernant le délabrement physique et intellectuel, la mort prématurée, la torture de l’excès de travail, il répond : et pourquoi ces tourments devraient-ils nous tourmenter puisqu’ils augmentent notre plaisir (le profit) ? » (Le Capital, livre I, section 3 , chapitre 8 – trad. J.-P. Lefebvre).

Il serait donc fou de renoncer à donner de l’écho à cet élan centenaire qui, en France, manifeste cette volonté de voir et de construire au-delà du capitalisme. Bien sûr, le programme ne pourra pas se tenir selon les modalités initialement prévues. Il reste, plus globalement, difficile à fixer tant les mois à venir demeurent incertains dans leur configuration. Cependant, d’ores et déjà, la page centenaire.pcf.fr donne de premières informations, mises à jour régulièrement, tout comme la page Facebook (www.facebook.com/centenairepcf). À cette heure, nous gardons l’espoir que les expositions prévues puissent se tenir. Nous abordons avec une grande ambition l’événement qui, en décembre, sera le point d’orgue du centenaire. Dès à présent, plusieurs livres importants conçus spécifiquement pour le centenaire peuvent être commandés : les catalogues des grandes expositions prévues ainsi qu’un livre retraçant cent années de combats, débats et réalisations communistes (plus d’informations et commandes : http://centenaire.pcf.fr/).

Guillaume Roubaud-Quashie, membre du CEN.