Retraites : Faire monter l’exigence de la consultation du peuple

Extraits du rapport de Christian Picquet au Comité exécutif national du 13 mars

Deux faits ne délivrent pas une image de force du camp gouvernemental. D’abord, le vote de la Haute assemblée n’aura été acquis qu’à travers l’utilisation de tous les leviers institutionnels permettant à l’exécutif de s’asseoir sur l’indépendance du Parlement. Ce recours à ces procédures parlementaires représente un nouveau pas franchi dans l’instauration d’un nouveau régime politique dans notre pays, au service d’un néolibéralisme autoritaire. Ensuite, ce passage en force aura été permis par l’alliance conclue entre le gouvernement et les dirigeants de la majorité de droite du Sénat.

 

L’approbation majoritaire de l’Assemblée n’est pas acquise

C’est dans ce contexte, que vont se tenir, ces 15 et 16 mars, la commission mixte paritaire et le vote des deux Assemblées si ladite CMP s’avère conclusive. A cette étape, l’approbation majoritaire de l’Assemblée nationale n’est absolument pas acquise. L’hypothèse du recours à l’article 49-3 revient en force, ce qui serait évidemment ressenti comme une authentique provocation. L’utilisation du 49-3 poserait la question du dépôt de motions de censure, et diverses indiscrétions font à présent état de la volonté de certains députés LR de la voter, voire de prendre eux-mêmes l’initiative d’une censure avec des députés d’autres groupes. Il s’agirait alors d’une inflexion de la configuration des confrontations politiques depuis la présidentielle et les législatives de l’an passé.

Une révolte populaire marquée par le conflit capital - travail

Nous avons affaire à une véritable révolte populaire contre les conséquences des politiques néolibérales. Pour paraphraser la notion de « grève par procuration » utilisée en 1995, on pourrait presque parler, cette fois, de soulèvement par procuration derrière le mouvement syndical uni. A travers un renouveau du conflit capital-travail, une expérience est en train de s’opérer à l’échelle de millions d’hommes et de femmes, celle de leur capacité de peser sur les décisions politiques par leurs propres méthodes de classe, et même de porter des exigences unificatrices répondant à des enjeux de société — pour ne pas dire de civilisation — essentiels. 

Une nouvelle étape de la crise politique française

Deux légitimités se font désormais face : celle de l’immense majorité du peuple autour du salariat, et celle — réduite à sa plus simple expression — du pouvoir et de la classe dirigeante. Ces phénomènes confrontent la classe possédante et les forces politiques qui s’en réclament à un défi stratégique majeur : comment gouverner un pays exaspéré par ce qu’on lui fait subir depuis tant d’années, avec une base sociale aussi faible et coupée de tout appui populaire ? C’est ce défi qui explique les divisions apparues au sein de la Macronie et au sein du parti LR, les uns et les autres redoutant à présent que ce soit le RN qui agrège demain, autour de lui, ce qu’il demeurait d’influence populaire aux partis de droite. 

Un moment sensible du bras-de-fer politique et sociale

Le mouvement social semble arriver à un palier dans son développement. Il ne se conclura ni à la manière de l’épreuve de force de 1995, ni comme les gigantesques mobilisations de la jeunesse contre le CPE en 2006. Il combinera probablement l’aiguisement de la crise politique et la détermination maintenue du mouvement social. C’est ce qu’a parfaitement saisi l’intersyndicale, au vu de ses plus récentes prises de position. La journée du 15 va, de ce point de vue , se révéler tout à fait décisive. Toutes les énergies doivent donc concourir à son succès, dans l’organisation des grèves autant que dans la réussite numérique des manifestations. Le fait que la procédure parlementaire puisse se retourner contre le gouvernement est un élément qui peut favoriser le regain de la mobilisation, en redonnant confiance à celles et ceux qui se sont engagés dans l’action,  la victoire restant parfaitement atteignable.

Faire monter l’exigence de la consultation du peuple

L’intersyndicale se réunit de nouveau et elle devrait annoncer de nouveaux rendez-vous et modalités d’action dès le 16 mars. Au-delà, il est fondamental que, même si le vote des Assemblées se dénouait à l’avantage du pouvoir, un mouvement aussi puissant ne s’achève pas sur de l’amertume, un sentiment d’impuissance, une rage dépourvue de toute perspective, ou de la résignation. C’est tout l’enjeu de la bataille référendaire que Philippe Martinez et Laurent Berger ont commencé de reprendre à leur compte. Une bataille politique peut demain se déployer à l’échelle de tout le pays, afin de faire monter en puissance l’exigence de la consultation du peuple. Les précédents existent sur la possibilité de l’emporter, en particulier devant une crise de la démocratie aussi profonde que celle qui nous connaissons. En 2004, nous avions su déployer une telle exigence à propos du Traité constitutionnel européen, et elle avait fini par faire céder Jacques Chirac, avec le résultat que l’on sait le 29 mai 2005. Aujourd’hui, le combat pour un référendum apparaît comme le complément de la revendication de retrait sur laquelle s’est fondé le front syndical. C'est dans la continuité du mouvement social que nous pouvons — et devons impérativement — construire la bataille référendaire en coopération avec les organisations de l’intersyndicale.

Concentrer l’action du parti en quatre directions

  • L’affirmation du rassemblement de la gauche et des écologistes derrière les organisations syndicales, parce que sont elles qui conduisent l’épreuve de force ; c’est la fonction des meetings.
  • La mise en avant d’un contenu fort à l’appui de notre engagement dans la bataille de classe, car il s’agit là d’un moyen de consolider le front politico-social avec l’objectif de la retraite à 60 et les moyens de la reconquérir à travers nos propositions sur l’emploi et la mise à contribution des revenus financiers.
  • La mise en évidence du lien entre la bataille des retraites et la question du pouvoir d’achat et des salaires, dont on voit chaque jour à quel point elles s’entremêlent dans la détermination des grévistes et des manifestants. Un groupe de travail, piloté par Igor Zamichiei, a commencé de réfléchir sur les propositions à mettre en avant sur ce point. Nous devrons en débattre lors de la prochaine réunion de l’exécutif national.
  • Notre prise d’initiative sur la question référendaire