Courrier à Bruno Le Maire : Stop à la fraude fiscale en pleine pandémie (Fabien Roussel)

Vous trouverez ci-dessous le courrier que Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, a fait parvenir à Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances.

Monsieur le Ministre,

La pandémie de Covid-19 plonge notre pays, depuis plusieurs semaines, dans une crise sanitaire, économique et sociale sans précédent. Face à de tels désordres, la mobilisation par l'Etat de moyens financiers exceptionnels s'impose, mais elle doit aussi s'accompagner de solides garanties. Comment imaginer en effet que l'engagement de la nation toute entière puisse profiter, d'une quelconque façon, à ceux qui sapent délibérément, par leurs manœuvres d'évitement fiscal, le pacte républicain ? Ce serait inadmissible pour nos concitoyens, auxquels on promet déjà de devoir payer la facture d'un chaos dont ils ne sont pas responsables.

C'est la raison pour laquelle la simple circulaire, qui recommande de ne pas délivrer d'aides de trésorerie aux entreprises ayant une filiale dans un des pays de la liste française des paradis fiscaux, n'est pas à la hauteur de ces attentes.

Pourquoi cette injonction est-elle insuffisante ? D'abord parce qu'elle ne s'inscrit pas dans un cadre législatif, le seul à même de garantir un contrôle démocratique. Ensuite parce qu’elle ne concerne qu’une partie des aides, report des charges et prêts garantis en particulier, à l'exclusion du chômage partiel. Enfin, parce que la liste française des paradis fiscaux est une sorte de conte pour enfants aux yeux des experts de l'optimisation fiscale. Ainsi, parmi les 12 pays qui aident le plus les entreprises à échapper à l’impôt en France, seuls les Bahamas et les Îles Vierges figurent sur notre liste, tandis que le Luxembourg, l'Irlande, les Bermudes ou Jersey, pour ne citer qu'eux, échappent toujours à nos radars.

Renforcer le contrôle de ces aides publiques exceptionnelles suppose donc d'imaginer de nouvelles mesures, plus contraignantes. C'est pourquoi nous proposons que chaque multinationale qui souhaite bénéficier d’un quelconque soutien de l’Etat publie un reporting public de ses activités dans chaque pays. Elle devra y mentionner à chaque fois le montant du chiffre d’affaires, celui du bénéfice ainsi que le nombre de salariés. Cette procédure offrira ainsi un droit de regard réel du citoyen sur les aides aux entreprises versées par l’Etat.

Ensuite, à défaut de modifier plus profondément la liste française des paradis fiscaux, comme nous le proposons depuis de nombreuses années, il serait logique qu’elle soit au moins, comme le prévoit la loi, alignée sur la liste européenne, qui comprend aujourd’hui les Îles Caïmans.

Enfin, nous demandons d'exclure des aides de l’Etat toute entreprise qui possède une filiale dans un pays dont le taux d'impôt sur les sociétés est inférieur à 20% et qui n’est pas capable de prouver que cette activité présente une substance économique réelle. L'adoption de telles dispositions permettrait, j'en suis convaincu, de renforcer notre cohésion nationale tout en répondant à un impérieux besoin de justice fiscale.

Dans cet esprit, je souhaite également que nous puissions travailler à l'instauration d'un prélèvement à la source des bénéfices des multinationales ayant des filiales dans des paradis fiscaux. Cela se pratique déjà dans certains pays ou régions et nous permettrait de récupérer de précieuses recettes avant qu'elles ne s'envolent indument.

En vous remerciant de l'attention portée à ces propositions et dans l'attente de votre réponse, je vous prie de recevoir, Monsieur le Ministre, l'assurance de ma haute considération.

Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, député du Nord,