La dernière blague de Bruxelles : la Suisse sortie de la liste des paradis fiscaux par l’UE (Fabien Roussel)

Décidément, en matière de lutte contre l’évasion fiscale, l’Union européenne ose tout. Déjà absente de la liste noire, la Suisse est ainsi sortie ce jeudi de la « liste grise » par un tour de passe-passe dont Bruxelles a le secret. Le pays du chocolat aurait donné des garanties suffisantes en matière d’échanges d’informations. Prière de circuler, il n’y a plus rien à voir en quelque sorte. Tous les experts et ONG, à commencer par Tax Justice Network, qui classent régulièrement la Suisse sur le podium mondial de la triche fiscal, avec les Etats-Unis et les Îles Caïman, n’ont décidément rien compris.

Pourquoi sortir la Suisse à un tel moment, alors que les progrès évoqués concernent essentiellement les relations avec les Etats-Unis, en raison de l’application du FATCA ? Les pratiques des banques suisses, de surcroît, n’ont pas changé en profondeur puisqu’elles continuent de proposer des montages d’optimisation fiscale à l’extrême limite de la légalité, en tous les cas toujours opaques.

Avec une liste noire sur laquelle ne figure aucun des principaux paradis fiscaux, l’Union européenne affiche une inquiétante soumission aux intérêts financiers et géopolitiques. Des pays entrent et sortent ainsi des listes, tels le Panama, les ïles vierges britanniques ou encore l’Arabie Saoudite, au gré des tractations diplomatiques et des enjeux économiques, plutôt qu’en vertu de réels progrès sur les pratiques dénoncées.

A l’heure où l’exigence de transparence n’a jamais été aussi forte, il est urgent de mettre en place des procédures claires et lisibles, comme la création d’une commission indépendante composée d’élus, mais aussi d’experts indépendants, pour établir des listes plus proches de la réalité. Il est inacceptable que des ONG classent 60 pays parmi les paradis fiscaux, quand les listes « officielles » des Etats, elles, n’en répertorient que quelques-uns et jamais les principaux. La France peut montrer l’exemple, en adoptant d’autres critères, plus solides, assortis de sanctions et en organisant un débat annuel au parlement, comme je l’ai détaillé en 2018 dans une Proposition de loi à l’Assemblée nationale. 

Fabien Roussel, député et secrétaire national du PCF, membre de la commission des finances