Le Ministre de la Justice doit garantir l’indépendance de la justice qu’il a tant défendue auparavant

On avait connu le ténor du barreau s’illustrant par de vibrants plaidoyers en faveur de l’indépendance de l’institution judiciaire et du droit des justiciables. On le retrouve promu Garde des sceaux par la volonté du Prince, relayant sans état d’âme les vues très particulières de celui-ci sur la justice et la démocratie.

La crise de la justice ne cesse de prendre de l’ampleur. Éric Dupond-Moretti s’en est ainsi pris au parquet national financier, cible d’innombrables attaques ces dernières années en raison des poursuites qu’il a engagées contre des faits de délinquance économique ou financière. La saisine de l’Inspection des services judiciaires contre trois des procureurs dudit PNF est d’autant plus incroyable que lui-même se trouve placé dans un conflit d’intérêt majeur avec cette instance. Quant au changement de direction de l’École nationale de la magistrature, elle lui sert seulement de prétexte pour  attaquer le « corporatisme » des juges.

Le tout nouveau ministre doit garantir l’indépendance de la justice qu’il a tant défendue auparavant.


Bien sûr, rien ne justifiera jamais les jugements expéditifs, les procédures abusives, le mépris des droits de la défense, les réflexes de corps de la part de certains magistrats. Mais ce n’est
pas la démocratisation de la justice et du recrutement de ses personnels que recherche le Garde des sceaux.

Depuis des années en effet, les gouvernements en place, comme les puissants intérêts privés qui orientent la vie économique de la nation, s’en prennent aux magistrats qui poursuivent leurs manquements à la loi ou leur non respect des libertés publiques.


Le président de la République a, pour sa part, démontré sa volonté de reprise en main de l’institution judiciaire en s’ingérant directement dans les procédures de nomination des procureurs à
certains postes stratégiques. Sans doute, sa carrière dans l’univers des banques d’affaires, puis son passage au ministère de l’Économie et les dossiers « sensibles » qu’il a eu l’occasion
d’y traiter, l’ont-ils amené à considérer la justice comme un danger potentiel pour quelques puissants intérêts privés.


Monsieur Dupond-Moretti fustige « l’entre-soi » des magistrats. Mais il a su personnellement s’adapter à « l’entre-soi » de gouvernants cherchant en permanence à se soustraire à tout contrôle
public de leur action et à toute investigation sur leurs éventuelles comportements délictueux.


Ce pouvoir à l’autorité vacillante aggrave les dangers qui pèsent sur la justice et, par là-même, sur notre République. Il n’hésite pas à couvrir son autoritarisme de déclarations démagogiques dignes de Donald Trump aux Etats-Unis.


Ce n’est pas grâce à lui et à son Garde des sceaux que nous ferons avancer l’objectif d’indépendance de la justice. Celle-ci exige des réformes audacieuses qui la mettent à l’abri de la pression des puissants. Et qui confie son contrôle, la gestion des carrières de ses membres et les procédures disciplinaires en son sein à un nouveau Conseil supérieur de la magistrature, désigné démocratiquement et dégagé de tout lien de subordination envers le pouvoir politique.


C’est avec cette ambition que le Parti communiste français apporte son entier soutien au mouvement engagé, ce jeudi 24 septembre, par les personnels de justice.