Afrique: Bilan d’étape de la pandémie de Covid-19

Plus d’un semestre après le début de la pandémie de Covid-19, il semble que la catastrophe épidémique que les cassandres prédisaient à l’Afrique n’est pas advenue. Au 7 juillet 2020, le Centre de contrôle des maladies de l’Union africaine (Africa CDC) a dénombré 594 841 cas confirmés de SRAS-Cov 2. À la même date, la pandémie de Covid-19 avait entraîné la mort de 13 238 personnes sur le continent. L’Afrique du Sud et l’Égypte sont les deux pays les plus touchés.

Comparée à celles de l’Europe de l’Ouest, de l’Amérique latine ou de l’Amérique du Nord, la situation épidémiologique de l’Afrique est donc sans commune mesure sur le plan de la morbidité et de la mortalité. Il convient, cependant d’être prudent dans l’appréciation des statistiques. Malheureusement, plus que partout dans le monde, le nombre de tests de dépistage de la Covid-19 effectués est très bas. Les derniers chiffres en la matière révèlent que pour 1 million d’habitants on dénombre 4 200 tests en Afrique contre 7 650 en Asie et 74 255 en Europe.

Le temps permettra aux chercheurs d’élucider les raisons de cette moindre vulnérabilité à un virus qui ébranle les grandes puissances du monde. En attendant que la science résolve la question, de nombreuses explications sont avancées : démographiques (jeunesse de la population), météorologiques et/ou climatiques (chaleur, humidité, etc.), virologique (c’est un virus à enveloppe, donc fragile sous les tropiques), de santé publique (mise en place précoce du dépistage, distanciation sociale, etc.) et économique (faiblesse des échanges sino-africains), etc. Ces explications de bon sens relèvent pour le moment d’extrapolations. Il manque des données empiriques pour les confirmer ou les infirmer.

La question qui revient inlassablement est de savoir si les systèmes de santé africains pourront faire face si l’expression épidémiologique de la pandémie à Covid-19 venait à changer négativement. Sans entrer dans des généralisations abusives, il est à craindre que les difficultés que les pays touchés par l’épidémie à virus Ébola qui a dévasté trois pays de l’Afrique de l’Ouest en 2014-2015 se reproduiront dans de nombreux pays du continent en cas de dissémination du SRAS-Cov2.

La catastrophe est socio-économique

Si la catastrophe épidémique n’a pas touché le continent, ses conséquences économiques sont bien présentes. Selon la Banque mondiale, la croissance économique en Afrique subsaharienne passera de +2,4 % en 2019 à une contraction de -2,8 %, ce qui constituera la première récession dans la région depuis 25 ans. L’Afrique subsaharienne a subi le contrecoup de la pandémie chez ses principaux partenaires commerciaux, de la perturbation des voyages internationaux et des chaînes d’approvisionnement, et de l’effondrement des prix des produits de base, notamment le pétrole et les métaux industriels. Ces chocs ont entraîné des sorties de capitaux sans précédent. Les deux locomotives économiques que sont le Nigeria et l’Afrique du Sud ont connu un effondrement de l’activité économique au premier semestre de l’année. Plusieurs pays exportateurs de matières premières industrielles, comme l’Angola, la République démocratique du Congo et le Ghana, ont dû faire face à un fléchissement de la demande extérieure et une baisse des prix du pétrole et des métaux. Les pays exportateurs de produits agricoles, comme la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie et le Kenya, ont été touchés par l’effondrement de la demande et la perturbation des chaînes d’approvisionnement. La réduction des voyages internationaux entraînée par la pandémie a porté un dur coup aux pays fortement tributaires des voyages et du tourisme. Des millions d’emplois ont été détruits dans le secteur informel qui occupe plus de 80 % des actifs dans la majorité des pays

La Commission économique pour l’Afrique (CEA) a calculé qu’un confinement total d’un mois sur l’ensemble du territoire africain coûte environ 2,5 % du PIB annuel, soit environ 65,7 milliards de dollars américains. Ce montant ne tient pas compte des conséquences du Covid-19 telles que la baisse des prix des matières premières et des flux d’investissement. Face aux difficultés induites par la pandémie, les ministres des Finances et les banques centrales du G20 ont décidé le 15 avril 2020 de suspendre le remboursement de la dette de 76 pays à travers le monde, dont 40 en Afrique. Ainsi, les paiements qui devaient s’opérer en 2020 sont reportés à 2022 et échelonnés sur trois ans. Un geste qui libère 20 milliards de dollars de liquidités. Ce moratoire concerne une partie seulement de la dette publique — 20 milliards sur les 32 que ces pays doivent rembourser tous les ans, aussi bien à des États qu’à des institutions internationales. Le 17 juin 2020, lors du Sommet Chine-Afrique sur la solidarité contre la Covid-19, le président chinois Xi Jinping a déclaré que la Chine va annuler les prêts sans intérêt qui arrivent à échéance d’ici la fin de 2020. Il a également exhorté les institutions financières chinoises à tenir des « consultations amicales » avec les nations africaines « pour mettre au point des arrangements pour des prêts commerciaux avec des garanties souveraines ».

Des perspectives inquiétantes

La pandémie à Covid-19 a rendu insoutenable le fardeau de la dette et donné une preuve supplémentaire des inégalités mondiales des termes de l’échange, les bases de productions et d’exportations trop étroites, la vulnérabilité aux chocs exogènes (y compris aux fluctuations des flux de capitaux) des pays africains. Si la pandémie se poursuit et s’aggrave, la récession économique aura des conséquences importantes sur la santé et le bien-être des populations. La diminution des recettes d’exportations et de recettes fiscales contraindra bon nombre de pays à emprunter pour financer des déficits budgétaires qui seront de plus en plus importants. Le plus grand risque à craindre est que les gouvernants fassent des arbitrages budgétaires au détriment des services publics essentiels.

Félix ATCHADE
Collectif Afrique PCF