Annulation des épreuves du baccalauréat – Un choix idéologique et dangereux

Le 22 janvier dernier, Jean-Michel Blanquer a annoncé l’annulation des épreuves de spécialités du baccalauréat. Cette décision est prise très hâtivement. Si les cours sont maintenus, pourquoi faire le choix de l’annulation des épreuves alors que nous ne sommes qu’au mois de janvier ? La tenue d’un examen ne semble pourtant pas plus dangereuse que le suivi d’un cours. Si c’est la crainte d’un nouveau confinement qui a guidé son choix, pourquoi ne pas simplement reporter les épreuves à la fin de l’année scolaire avec les autres épreuves du baccalauréat ?

C’est pourtant ce que réclamaient élèves et professeurs depuis déjà plusieurs semaines. Mais une fois de plus, Jean-Michel Blanquer choisit la pire des solutions, au mépris des revendications des premiers concernés.

Bien que la situation exceptionnelle puisse justifier des aménagements profonds des examens, la formule adoptée par le ministre est une nouvelle remise en cause du caractère national du baccalauréat après l’expérience de l’année passée.

Sans cadrage national, le baccalauréat sera nécessairement vecteur d’inégalités entre les élèves et les établissements. La valeur du diplôme ne sera plus évaluée en fonction de la note obtenue à une épreuve commune et nationale mais de la réputation de l’établissement d’origine de l’élève. Il s’agit donc de l’option la plus inégalitaire et discriminatoire possible.

De plus, on peut légitimement se questionner sur les notes obtenues au contrôle continu depuis le début de l’année : avec des conditions d’études aussi particulières (absences plus fréquentes d’élèves et de professeurs, cours à mi-temps, etc.) il est particulièrement injuste de considérer que ces notes puissent être un indicateur suffisant pour l’obtention ou non du diplôme.

En plus de refuser la mise en place d’un plan d’urgence pour rattraper le retard accumulé par les élèves depuis le premier confinement, le ministre vient amplifier la fracture sociale au sein du système éducatif.

Cette annonce se tient en plein lancement de la saison 2021 de Parcoursup. La fin du cadrage national du baccalauréat joint à Parcoursup va avoir des effets désastreux, puisque les notes du contrôle continu seront intégrées au dossier. La sélection sociale à l’entrée de l’université, déjà flagrante, va nécessairement augmenter.

La rapidité du choix du ministre d’annuler ces épreuves du baccalauréat relève plus d’un choix idéologique que d’une mesure sanitaire. Le ministre est un fervent défenseur du contrôle continu, pilier central de sa réforme du baccalauréat rejetée massivement dans la communauté éducative. Il est évident que Jean-Michel Blanquer instrumentalise une nouvelle fois la crise sanitaire pour légitimer ses projets de contrôle continu pour le baccalauréat, pourtant inégalitaire et injuste. Le ministre de l’Éducation vient asseoir son projet d’une école libérale au service de la reproduction sociale.

Nous avons besoin d’un tout autre projet politique pour l’éducation

Les jeunes ont besoin d’une tout autre politique en matière d’éducation. Un véritable plan d’urgence pour l’éducation est plus que jamais nécessaire. La perspective d’une troisième vague plane encore, et l’idée d’une fermeture des établissements ou même d’un système à mi-temps est inacceptable et mettrait en péril l’avenir des élèves. Au-delà de l’urgence, c’est à un véritable plan de rattrapage que devrait se consacrer le gouvernement, afin de permettre à chaque jeune mis en difficulté par la situation de garantir sa réussite scolaire.

Cela passe donc par le recrutement massif de professeurs afin de baisser les effectifs de classe et ainsi limiter les risques de contamination, tout en permettant des groupes de travail réduits favorisant la réussite de chacune et chacun. Au lieu de ça, le gouvernement prévoit une baisse des postes offerts aux concours de l’enseignement pour cette année, montrant ainsi son aveuglement face à la situation. Une autre voie pour une éducation de qualité, formatrice et émancipatrice, est possible.

Pour un système éducatif qui permet à chaque jeune de construire sereinement son avenir, le MJCF revendique :

  • Un plan de recrutement massif de professeurs, infirmiers scolaires et psychologues scolaires, en commençant dès maintenant par le recours aux listes complémentaires des concours et la titularisation des agents contractuels.
  • L’embauche massive de personnels encadrant et accompagnant (AESH, AED…), et leur titularisation immédiate.
  • Un lissage des programmes scolaires sur plusieurs années afin de permettre la remise à niveau de tous les élèves.
  • La suppression de Parcoursup et la fin de toute forme de sélections autre que par le diplôme requis.
  • La création d’un véritable service public de l’orientation pour permettre à chaque jeune de construire sereinement son avenir.µ

Léon Deffontaines

secrétaire général du MJCF