Aux côtés des peuples de Turquie et de Syrie

Le 6 février, un terrible séisme a frappé le sud-est de la Turquie et le nord de la Syrie. Le nombre de victimes ne cesse d’augmenter, et au moment où ces lignes sont écrites on dénombre plus de 33 000 morts, dont plus de 20 000 en Turquie et près de 4 000 en Syrie. Des villes ont été entièrement ou partiellement détruites, les voies de transport disloquées, tandis que les canalisations ont explosé.

Dans le contexte actuel, même si les chances de retrouver des survivants s’amenuisent, l’heure est à la mobilisation, comme l’a souligné le Parti démocratique des peuples (HDP), pour déployer tous les dispositifs d’aide et de secours, d’autant que la crise humanitaire menace désormais des millions de personnes qui peinent à se nourrir, à se chauffer ou à se loger.

Cela n’empêche pas aujourd’hui les populations d’exprimer leur colère, notamment en Turquie, face à l’absence de coordination, la désorganisation des services et la lenteur de la réaction gouvernementale, alors que l’aide afflue de toutes parts. Les représentants du pouvoir doivent faire face à des explosions de rage, plus particulièrement dans les villes moyennes et les villages abandonnés à leur sort. Si tout le monde est maltraité par les autorités, l’État islamo-conservateur opère à nouveau une discrimination à l’égard des Kurdes, déjà sous la férule du régime. À Diyarbakir, placé sous administration de l’État après l’éviction des co-maires démocratiquement élus, ni le gouvernorat, ni la mairie n’ont manifesté leur soutien ou leur compassion à la population.

Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), avec un sens élevé des responsabilités, a décrété une cessation des opérations militaires et a appelé à une mobilisation. Face aux défaillances et à l’abandon par l’État, la société civile kurde est obligée, comme toujours, de prendre le relais, dans le froid et en l’absence d’eau et d’électricité.

Alors que les critiques et l’indignation remplacent progressivement le deuil, la population surmonte la peur de la répression et s’en prend directement à R.T. Erdogan à trois mois des prochaines échéances électorales. Celui-ci, comme à son habitude, multiplie les promesses démagogiques et menace « les quelques personnes malhonnêtes et déshonorantes » qui expriment leur écœurement. Douze d’entre elles ont déjà été arrêtées. En coupant le réseau social Twitter, qui permettait l’organisation de la solidarité, en contrôlant les circuits humanitaires ou en déclarant l’état d’urgence au lieu de l’état de catastrophe naturelle, R.T. Erdogan entend reprendre les choses en main, car il craint que la population ne se retourne contre lui.

Et les motifs ne manquent pas ! La situation économique est catastrophique. Le capitalisme turc s’est incarné dans des centres commerciaux et un mode d’aménagement urbain spéculatif qui ne respectait pas les normes antisismiques. Si la bourgeoisie anatolienne, soutien inconditionnel du régime, s’est enrichie, le peuple turc est sous les gravats. Par ailleurs, la répression contre l’opposition démocratique, notamment le HDP menacé d’interdiction, s’est accrue ces dernières années. R.T. Erdogan, qui concentre les pleins pouvoirs, s’est allié avec l’extrême droite (MHP) qui apporte un réservoir de voix et de forces paramilitaires, véritables escadrons de la mort, coupables d’assassinats de dirigeants kurdes et impliqués dans des trafics mafieux. L’État turc est de ce fait paralysé et fragmenté, imposant une véritable terreur blanche en interne comme en externe.

Les Kurdes de Turquie en font les frais. Leurs militants, leurs maires et leurs parlementaires, dont S. Demirtas, sont destitués et emprisonnés à la suite de procès iniques, dont celui dit de « Kobané ». R.T. Erdogan s’est aussi fixé comme objectif prioritaire de détruire le Kurdistan syrien. Il a pris pied au nord de la Syrie en annexant le canton kurde d’Afrin, soumis à un véritable nettoyage ethnique et transformé en « djihadistan », puisqu’il abrite désormais ses supplétifs de l’État Islamique ou d’Al Qaïda. Véritable organisateur et bailleur de fonds des forces djihadistes pour combattre les Kurdes, R.T. Erdogan se rêve en maître d’un monde en ruine.

Afin de conforter ses forces dans cette sale besogne, avec le soutien de V. Poutine, R.T. Erdogan tente désormais de renouer avec Bachar al-Assad qu’il entendait chasser du pouvoir il y a encore peu. Véritable force milicienne et prédatrice, le régime syrien, lié à une clique qui ne sert que ses intérêts, impose une tyrannie barbare à son peuple pour mieux assurer sa durabilité. Ce conflit a fait 500 000 victimes, 12 à 13 millions de réfugiés ou de déplacés sur 22 millions d’habitants.

Avec le tremblement de terre, la population syrienne peine à avoir accès à une aide internationale minimale en raison des sanctions. La population qui vit un état de guerre permanent est elle aussi abandonnée à son sinistre sort. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les risques sanitaires sont considérables en raison d’une présence désormais endémique du choléra.

Ces régimes militarisés assomment et répriment leur société. Aujourd’hui les peuples de Turquie et de Syrie ont besoin de solidarité, notamment financière. Afin que l’aide ne soit pas détournée comme ce fut le cas lors du séisme de 2011 à Van (Kurdistan de Turquie) nous vous invitons à faire vos dons, en accord avec les organisations kurdes de France, à l’association « France-Kurdistan » qui a une longue expérience de la solidarité. Elle est venue en aide aux réfugiés yézidis en 2014, à ceux de Kobané (2015) et du camp de Lavrio (2022). Vous trouverez les références bancaires ci-dessous.

Pascal Torre
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient