Birmanie : La France et la communauté internationale doivent parler avec force

Ce samedi 27 mars, un véritable massacre a été commis en Birmanie. Selon l’ONU au moins 107 personnes qui manifestaient contre le coup d’État militaire du 1er février, ont été tuées. En deux mois, le total de morts dépasse les 500.

En renversant le gouvernement central et en destituant tous les gouvernements régionaux, les putschistes n’avaient pas anticipé cette résistance massive. De par sa puissance, le mouvement de désobéissance civile, qui à maints endroits se transforme en une insurrection populaire, isole la junte et interdit la normalisation rapide du régime tant sur le plan intérieur qu’international.

La contestation s’exprime dans la rue et au cœur même de l’État. L’appel à la grève générale lancée le 7 mars par les syndicats, largement suivie, paralyse le pays. Le fonctionnement de l’administration est grippé par l’entrée massive des fonctionnaires dans le mouvement. A ce jour, les hôpitaux publics, les chemins de fer, les banques, les aéroports et la quasi-totalité des organisations étatiques ne fonctionnent plus. La grève a également atteint le secteur privé. A cela s’ajoutent le boycott des firmes liées à l’armée et le refus de payer les taxes et les impôts. La résistance atteint même les monastères bouddhistes et des moines participent aux manifestations. Le cœur même de l’État est touché : un millier de policiers et de militaires – haut gradés, officiers, simples soldats – ont fait défection, selon une source diplomatique occidentale et de nombreux diplomates en poste à l’étranger font sécession. Tel l’ambassadeur de Birmanie à l’ONU qui a ouvertement rompu avec la junte dénonçant ses crimes et appelant la communauté internationale à condamner publiquement le coup d’État militaire, à ne pas reconnaître le nouveau régime, à ne pas entretenir de relations de coopération avec la Tatmadaw (l’armée birmane), tant que le gouvernement civil ne sera pas réinstallé. Réclamant « toutes les mesures les plus fermes pour stopper la répression », a-t-il déclaré dans l’enceinte onusienne, il a plaidé pour un soutien international au Comité représentant Pyidaungsu Hluttaw (CRPH), nom du parlement bicaméral birman. Ce comité à l’origine composé de 17 parlementaires élus lors des élections de novembre dernier tente de mettre en place une administration parallèle présentée comme la seule autorité légitime du pays. Il aurait déjà réussi à s’implanter dans un certain nombre de villes et de cantons, principalement dans des quartiers et espaces industriels de Rangoun et d’autres villes où des groupes de manifestants se sont repliés, construisant des barricades et livrant des batailles de rue pour y organiser des « administrations populaires ».

Cette mobilisation massive était inattendue pour les putschistes qui s’en trouvent considérablement affaiblis. Ces derniers s’activent donc de leurs côtés auprès de certains gouvernements pour qu’ils renoncent sanctions. Ils ont ainsi recruté le lobbyiste israélo-canadien, Ari Ben Menashe, dans le but d’expliquer à Washington « la situation réelle dans le pays ». Ce dernier a déclaré à l’agence Reuters être chargé de convaincre les États-Unis que les généraux du Myanmar souhaitent se rapprocher de l'Occident et prendre leurs distances avec la Chine espérant être entendus dans le contexte actuel.

L’utilité de renforcer les sanctions

Cette démarche de la junte prouve que les militaires ne sont pas indifférents aux sanctions. Un certain nombre ont déjà été prises. Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne en ont imposé quelques unes visant le chef de la junte, le général Min Aung Hlaing, ainsi que neuf des plus haut gradés des forces armées et le président de la Commission électorale. Ils se voient interdire de se rendre dans l'UE ou d'y transiter et imposer un gel de leurs avoirs ou de leurs ressources dans les pays de l'Union.

Cela ne suffit pas, l’opposition demande le retrait des entreprises étrangères implantées en Birmanie et ayant des liens avec des entreprises liées à l’armée. En effet, les sanctions prises à ce jour touchent des responsables mais épargnent les firmes telles que la Myanmar Oil and Gas Enterprise (MOGE), aux mains des militaires, avec lesquelles le partenariat est incontournable pour les multinationales qui souhaitent s’implanter en Birmanie.

La compagnie pétrolière australienne Woodside a pris la décision de se retirer du pays et, plus récemment, EDF a suspendu le projet de barrage hydroélectrique Shweli-3. En France, syndicats et ONG relaient la requête de l’opposition birmane quant au retrait de Total. La firme française sévit depuis des années dans le pays et est devenue l’un des plus importants contributeurs financiers de la caste militaire qui maintient la Birmanie sous une férule de fer. Sur ce sujet la France reste bien silencieuse.

D’autres entreprises de l’Hexagone parmi lesquelles Accor continuent sans scrupules leurs activités économiques. Le groupe hôtelier est en contrat avec un conglomérat local présenté comme proche de l'armée. Cela n’empêche pas le P-DG du groupe, Sébastien Bazin, d'annoncer sur France info le 24 mars dernier ne pas avoir l’intention de quitter la Birmanie. Et d’ajouter : « Accor n'a jamais quitté un pays, quand le pays souffrait. Jamais on ne le fera. (...) Le tourisme est vital pour le pays birman pour lui apporter des recettes. »

La France et l’Union européenne doivent monter d’un ton et agir pour que de plus fortes sanctions soient adoptées contre la junte. Même l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean) qui a pour habitude ne pas intervenir dans les affaires intérieures d’un de ses États membres, semble changer d’attitude face à la brutale répression meurtrière orchestrée par la junte contre les manifestants pacifistes. Les membres de l’Asean – sans la Birmanie – se sont réunis en urgence pour discuter de la crise. Une des solutions réside à Singapour où les généraux birmans ont le plus d’avoirs bancaires et d’intérêts financiers. Il est plus que temps de mettre en œuvre « une réponse internationale ferme et unifiée », comme l’a demandé le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.

Dans les heures terribles que vit le peuple birman, la solidarité avec les forces de résistances s’impose à tous les niveaux. Le Parti communiste français est à leurs côtés. Il soutient leurs luttes et leurs revendications de démocratie, de paix et de libertés. Avec les syndicats et les ONG, les communistes appuient leur demande quant au retrait des activités de Total en Birmanie.

Le PCF exige du gouvernement que la France adopte une position ferme et une action forte envers l’entreprise française et qu’elle agisse au sein du Conseil de sécurité de l’ONU pour coordonner une action internationale propre à assurer la sécurité des peuples de Birmanie et le retour de la démocratie.

Dominique Bari et Méline Le Gourriérec
membres de la commission international du PCF