Chronique d’une journée pas tout à fait ordinaire, avec Fabien Roussel…

Situation un peu surréaliste, ce mardi 25 mai : 18 responsables syndicaux des 6 organisations syndicales d’ARC (CFE-CGC, CGT, SUD, UNSA, FO, CFDT) reçoivent masqués Fabien Roussel et la sénatrice du Pas-de-Calais Cathy Apourceau, ainsi qu’Hervé Poly, le premier secrétaire de la fédération du Pas-de-Calais.

C’est doublement une première : au-delà des préoccupations sanitaires, c’est la première fois que les élus du PCF sont reçus par l’ensemble des organisations syndicales (certaines ne se parlent plus depuis des mois !). C’est que l’heure est grave : Bruno Le Maire vient d’annoncer un prêt d’urgence à l’entreprise de 31 millions d’euros, remboursable à très court terme, qui suffira à peine à payer les salaires. L’usine d’ARC va-t-elle survivre au COVID-19 ?

L’histoire de l’entreprise est chaotique ; elle est passée deux fois très près du dépôt de bilan ces cinq dernières années. « Jamais deux sans trois ? ».

En décembre 2014, le numéro 1 mondial des Arts de la table est repris de justesse par PHP, un fonds de retournement américain, détenu par Dick Cashin. Il propose un plan de relance industrielle d’ARC International, qui nécessitera d’importants investissements, et avec le maintien du groupe et de l’essentiel des 5 600 salariés. Un autre projet, défendu par HIG, proposait 2 800 suppressions d’emplois, la vente à la découpe du groupe : c’était la mort assurée de la plus grande entreprise industrielle du Pas-de-Calais. Les communistes seront très présents pour assurer la réussite du projet PHP, en particulier avec leurs élus régionaux. De cette époque date une relation de confiance entre le PCF et les militants de la CGT et de la CGC. Les communistes ne sont pas là en donneur de leçons ; la direction de l’action est du ressort des organisations syndicales, et le PCF est un outil dont elles peuvent se servir… si elles le souhaitent.

Cinq ans après ce premier sauvetage, le groupe a dû en bénéficier d’un second. Les questions financières sont encore au cœur du problème. En décembre 2014, les repreneurs ont mis 60 millions d’euros sur la table. L’État a contraint les banques à effacer la moitié de la colossale dette d’ARC International (400 millions d’euros)… ce qu’elles ont très moyennement apprécié. Il ne faudra pas compter sur elles pour prêter au nouveau propriétaire. Pour moderniser l’usine, le groupe mal noté par Standard & Poors, aura recours à un fonds russe qui lui prêtera à 11 % !

Dès 2017, alors que l’entreprise se modernise, trouve de nouveaux marchés, la situation financière devient intenable. Il faudra de nouveau l’intervention de l’État pour éviter la faillite et permettre le versement des salaires. État, collectivités territoriales, BPI et fonds souverains vont ouvrir de nouvelles lignes de crédit pour ARC. L’actionnaire remettra de l’argent ; et les salariés devront accepter un plan de rigueur salarial. Mais les taux d’intérêts imposés à l’entreprise sont toujours aussi prohibitifs, alors que la Banque centrale européenne prête aux banques à taux négatifs ! En dépit de ces conditions, ARC semblait en début 2020 sur les bons rails.

La crise du Covid-19 a tout mis par terre. L’entreprise ne tourne plus qu’à 50 % et une lourde hypothèque pèse sur la reprise des marchés : ARC travaille beaucoup pour l’hôtellerie-restauration.

Dans ce contexte, Fabien Roussel, Cathy Apourceau et Hervé Poly ont tout de suite réagi à l’annonce de Bruno Le Maire : il faut apporter d’urgence 250 millions d’euros au groupe, en contrepartie d’une participation de l’État au capital.

C’est cette proposition que les communistes sont venus débattre avec les syndicalistes pour en vérifier la pertinence. Autant dire qu’elle suscite de l’intérêt. La somme de 250 millions d’euros est une estimation juste ; les syndicalistes savent qu’il faut en finir avec le saupoudrage et les taux d’intérêts qui plombent le redressement de l’entreprise. L’intervention de l’État au capital leur semble souhaitable mais improbable : est-ce que Dick Cashin (ex PDG de JP Morgan) est prêt à l’accepter ? Macron à l’imposer ?

Alors, pour vérifier cette hypothèse, Fabien Roussel et la sénatrice du Pas-de-Calais vont demander à rencontrer la direction du groupe, et Bruno Le Maire.

Deux heures de discussions très riches, qui vont se terminer en mairie D’Arques, par un accueil républicain du tout jeune maire socialiste, Benoit Roussel, à sa demande. Il vient de reprendre la ville à la seule maire LREM du Pas-de-Calais, et il sait que le renfort des parlementaires communistes pour sauver ARC n’est pas anecdotique !

La réception terminée, nous reprenons la route pour Mardyck, près de Dunkerque, où nous rencontrerons les responsables CGT d’Arcelor Mittal et de Thyssenkrupp, en présence de Philippe Verbeke. Une réunion très riche pour revisiter notre proposition de nationalisation de la sidérurgie, dans la tempête des restructurations déjà en cours. Promesse est faite : nous nous retrouverons dans un mois chez Thyssenkrupp à Isbergues… Là aussi pour être utile à la classe ouvrière.

Bertrand Pericaud

secrétaire fédéral du Pas-de-Calais en charge des entreprises