Compte-rendu du comité exécutif national du 11 avril 2022

Le CEN a commencé l’analyse des résultats du premier tour de l’élection présidentielle. De premières réflexions sont présentées ci-après.

D’ores et déjà le CEN appelle à engager trois batailles politiques majeures :

1) Élever le débat public sur le sens politique des résultats du premier tour

2) Mobiliser largement pour battre l’extrême droite dimanche 24 avril

3) Préparer avec une grande ambition pour la gauche et le PCF les élections législatives

 

Le CEN appelle à la tenue, dans cet entre deux tours, d’assemblée s générales des communistes, partout en France, pour débattre et décider d’expressions et d’initiatives sur ces batailles politiques.

Le conseil national de ce jeudi 14 avril approfondira l’analyse des résultats et décidera des initiatives nationales à prendre.

Les réflexions présentées ci-après ne sont ni une analyse exhaustive du scrutin, ni des assertions indiscutables mais visent, au contraire, à permettre aux communistes d’initier un profond débat sur les résultats de ce premier tour, leur signification, les problématiques qui se posent.

1) Sur notre campagne

  • Le CEN a salué Fabien Roussel pour la campagne menée et remercie tous les communistes pour leur engagement dans la campagne ces derniers mois.
  • Le résultat, 802 588 voix et 2,28 %, forcément décevant, doit être regardé lucidement, tout en mesurant qu’il ne peut résumer notre campagne. Notre score ne doit surtout pas nous conduire à nous replier sur nous-mêmes ou à nous diviser dans un moment clé pour battre l’extrême droite et réussir les législatives.
  • Points marqués par notre candidature dans le pays :
    • Nous avons installé Fabien Roussel comme une personnalité de la gauche française, connue par des millions de nos concitoyens, qui ont aussi découvert avec lui l’ambition communiste et notre parti.
    • Nous avons porté une conception originale du travail et de l’emploi, de la République, de la France, en plaçant le projet d’une France des Jours heureux au cœur du débat politique national.
    • Fort de cette campagne, les centaines de milliers d’électrices et d’électeurs et les forces que nous avons rassemblés compteront pour l’avenir de la gauche.
  • Plusieurs facteurs peuvent expliquer la faiblesse de notre résultat :
    • Comme lors d’autres élections présidentielles, notre candidature a pâti d’un vote dit « utile », marqué cette fois-ci par un contexte de forte recomposition politique et l’habitude créée dans notre électorat au vote pour Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle, au regard de notre soutien à sa candidature aux deux précédents scrutins.
    • Le besoin de progresser encore sur la vision et le projet de société que l’on oppose au capitalisme mondialisé et financiarisé.
    • Des difficultés persistantes à être en prise avec une partie de l’électorat, tant dans le monde du travail que par rapport aux attentes de l’électorat jeune, ou au besoin de montrer l’efficacité de notre projet pour répondre à la légitime peur du RN de la part d’un électorat subissant le racisme.
    • Le besoin de montrer le rôle des institutions actuelles dans la crise démocratique, les problèmes de la présidentialisation et des logiques qui l’accompagnent et restreignent le pluralisme politique.
  • Besoin d’approfondir nationalement et avec les fédérations l’analyse de notre score à tous les niveaux pour mesurer les points d’appui (nouveaux électeurs.trices rassemblés) et les difficultés (scores faibles dans beaucoup de villes que nous dirigeons).

2) Sur l’analyse globale des résultats

  • Résultats définitifs

 

Candidats

Voix

% Inscrits

% Exprimés

M. Emmanuel MACRON

9 785 584

20,07

27,84

Mme Marine LE PEN

8 136 375

16,69

23,15

M. Jean-Luc MÉLENCHON

7 714 959

15,83

21,95

M. Éric ZEMMOUR

2 485 937

5,1

7,07

Mme Valérie PÉCRESSE

1 679 473

3,45

4,78

M. Yannick JADOT

1 628 338

3,34

4,63

M. Jean LASSALLE

1 101 690

2,26

3,13

M. Fabien ROUSSEL

802 588

1,65

2,28

M. Nicolas DUPONT- AIGNAN

725 357

1,49

2,06

Mme Anne HIDALGO

616 651

1,26

1,75

M. Philippe POUTOU

268 986

0,55

0,77

Mme Nathalie ARTHAUD

197 171

0,4

0,56

  • Rapport de force politique

Évolutions des forces

 

MACRON

+3,83

LE PEN

+1,85

MÉLENCHON

+2,37

PÉCRESSE - FILLON

-15,22

JADOT + HIDALGO - HAMON

+0,02

HIDALGO - HAMON

-4,61

POUTOU

-0,32

ARTHAUD

-0,08

DUPONT-AIGNAN

-2,64

 

Évolutions des blocs

 

TOTAL GAUCHE

31,94

+4,27

TOTAL DROITE DONT MACRON

35,75

-10,39

TOTAL EXT. DROITE

32,28

+6,28

 

Poursuite de la recomposition politique : on passe de 4 forces dominant le champ politique en 2017 (LREM, RN, LR, LFI) à 3 forces (LREM, RN, LFI) dont les candidats sont tous en progression par rapport à 2017.

Faits principaux :

  • La domination du champ politique par 3 forces totalisant 72,9 % des voix.
  • Après l’écroulement du PS en 2017, c’est désormais l’écroulement de LR au profit de LREM, du RN et de Zemmour.
  • Le score historique de l’extrême droite, qui atteint son plus haut sous la Ve République, en progressant encore au détriment de LR
  • La progression de la gauche portée par JLM (+2,37) et Roussel (2,28)
  • La poursuite de l’écroulement du PS principalement au profit de LFI, mais également du PCF, d’EELV et toujours de LREM.

 

  • L'abstention : elle atteint 26,31 % des inscrits, soit plus de 12 millions de nos concitoyens (12 824 149 personnes).

Cette abstention marque la poursuite d’une forte crise démocratique, mais elle n’atteint pas le record historique de 2002 (28,4 %). Les abstentionnistes évoquent un faisceau de raisons dans l’enquete IPSOS. Pour 28 %, notamment les plus âgés, "les candidats disent les mêmes choses que lors des élections précédentes, il n'y a rien de nouveau dans leurs propositions". Environ un

sur quatre regrette que "les candidats ne soient pas à la hauteur de la fonction" (26 %), que "les jeux sont déjà faits, il n'y a pas de suspens sur le résultat" (26 %), ou "qu'aucun candidat ne correspond à leurs idées" (24 %).

  • Les motivations du vote

Les deux tiers des votants ont choisi leur candidat "avant tout par adhésion" (66 %), pour un tiers de vote "par défaut" (34 %). Le vote par adhésion a tout particulièrement concerné l'électorat d'Éric Zemmour (81 % de vote d'adhésion pour 19 % de vote par défaut), un peu moins celui de Jean-Luc Mélenchon (59 % / 41 %). Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon sont d'ailleurs avec ceux de Yannick Jadot les plus nombreux à s'être décidés dans les derniers jours, pour respectivement 29 % et 33 % d'entre eux. Si les électeurs ont majoritairement voté pour soutenir le candidat de leur choix, ils l'ont souvent fait en pensant au pouvoir d'achat. Cité par six personnes sur dix (58 %) comme l'un des trois enjeux qui a le plus compté au moment de choisir pour qui voter.

  • La géographie du vote

- MACRON en tête dans 49 départements (38 en 2017) + 3 Outre-Mer (Wallis, N. Calédonie, Polynésie) et dans 7 régions (Nouvelle-Aquitaine, Centre, AURA, Occitanie, Normandie, Pays-de- la-Loire, Bretagne).

- LE PEN en tête dans 41 départements (47 en 2017) +1 Outre-Mer (Mayotte) et dans 5 régions

(Corse, PACA, BFC, Grand-Est, Hauts-de-France).

- MÉLENCHON en tête dans 6 départements (5 en 2017) dont 5 en IDF et l’Ariège + 6 Outre-Mer. Il arrive de justesse en tête de la région IDF.

  • Sur le débat sur la non-accession de Jean-Luc Mélenchon au second tour

JLM fait plus de voix qu'en 2017. Donc la présence de Fabien Roussel ne l'empêche pas de progresser. Qu'est-ce qui empêche que cette progression lui permette d'accéder au second tour ? Le problème est d’abord la force de LREM et du RN.

Et il y a 12 millions d'abstentionnistes et plus de 500 000 bulletins blancs ! Il est un peu facile de rejeter la faute sur les 800 000 électeurs qui ont voté pour notre candidat.

Dans les derniers jours de la campagne, nous connaissons tous des électeurs qui étaient prêts à voter Fabien Roussel qui ont voté JLM sous la pression du vote dit utile. Ceux qui ont finalement voté pour FR n'auraient pas voté pour un autre candidat de gauche, ou, à tout le moins pas forcément pour JLM.

Au-delà de l’enjeu du premier tour, le problème est que l’échec du quinquennat Hollande conjugué à la démarche hégémonique de LFI, réduit considérablement la capacité de rassemblement de la gauche et la prive de toute victoire possible à la présidentielle.

Quelles que soient les attaques de la part de certains membres de LFI contre notre campagne, nous ne devons pas répondre à des invectives qui n’ont pas leur place dans le débat politique. Nous n’avons quant à nous pas d’adversaire à gauche et, même si nous ne partageons pas le choix des électeurs de voter pour Jean-Luc Mélenchon, nous comprenons à la fois la peur et l’espoir qui ont motivé leur vote. Pour une part importante d’entre eux, dans les villes que nous dirigeons, ce sont des électeurs qui ont régulièrement voté pour nos candidats aux élections locales. Dans les jours qui viennent, continuons à agir dans une démarche positive, à l’image de la campagne menée.

 

3) Mobiliser largement pour battre l’extrême droite, dimanche 24 avril

La situation est bien plus inquiétante qu’en 2017 et la possibilité d’une victoire de Marine Le Pen est réelle.

Les premières enquêtes, au soir du premier tour, en témoignent. En outre, chacun a pu constater le ripolinage, la banalisation de la candidate RN et de son projet. Conjuguée au rejet du président de la République et de son projet de casse sociale aggravée, le risque est maximum.

Le CEN appelle à la mobilisation de tous les communistes pour faire la clarté sur l’enjeu du second tour et la nécessité de battre Marine Le Pen, candidate de l’extrême droite française et européenne raciste, xénophobe, fascisante, soutenue par les pires dirigeants de ce courant à l’échelle européenne.

Fidèle à toute l’histoire de notre famille politique, jamais nous ne permettrons qu’un tel projet soit mis en œuvre à la tête de l’État, ni que le RN puisse utiliser nos institutions au service de son entreprise de haine et de division. Nous appelons à utiliser le seul bulletin de vote à notre disposition pour la battre le 24 avril prochain. Ces 5 dernières années, nous avons combattu la politique du gouvernement et de son candidat. En faisant ce choix, nous affirmons aussi que nous serons toujours ses adversaires résolus.

Nous pouvons organiser des initiatives locales dans les départements, avec toutes les forces sociales et les forces de gauche prêtes à le faire avec nous, pour mobiliser largement pour battre l’extrême droite.

 

4) Préparer les élections législatives avec une grande ambition pour la gauche et le PCF

Nous appelons toutes les composantes de la gauche, Jean-Luc Mélenchon et les Insoumis, Anne Hidalgo et les socialistes, Yannick Jadot et les écologistes, à nous réunir dans les tous prochains jours pour que les élections législatives nous permettent d’empêcher l’élection de députés d’extrême droite et de droite et d’envoyer le plus grand nombre possible de députés de gauche à l’Assemblée nationale.

Dans un contexte de forte menace sur la représentation de la gauche à l’Assemblée, nous voulons à la fois garantir la réélection de tous les sortants des forces de gauche, tout en mesurant les conquêtes possibles ce qui nécessite de donner un contenu, une ambition à la victoire de la gauche dans le maximum de circonscriptions, comme nous le portons depuis des mois avec notre proposition d’un pacte d’engagements communs.

Des possibilités existent, il faut les mettre à profit, être utiles à nos concitoyens. Nous prenons nos responsabilités et Fabien Roussel, dès dimanche soir par sa déclaration publique, et dès le lendemain de l’élection s’est adressé en ce sens aux candidats de gauche.

Simultanément, nous travaillons bien sûr à être présents dans la très grande majorité des circonscriptions pour faire vivre les idées que nous avons portées dans cette campagne, et soutenir et développer les luttes indispensables à la résistance aux projets réactionnaires et à la construction de l’alternative. Aussi, nous devons accélérer encore la désignation de nos candidats.