Convention citoyenne pour le climat - Être lucides sur la méthode, traduire concrètement et budgétairement les avancées proposées

Après neuf mois d’auditions d’experts et de travaux propres, le rapport de la Convention citoyenne pour le climat, remis le 21 juin au gouvernement, constitue une somme assez inédite de propositions pour lutter contre le réchauffement climatique et contre la dégradation de l’environnement.

Bien entendu, le pouvoir a habilement travaillé en amont sur la « gouvernance » de la Convention, comme sur le pilotage des auditions et travaux des groupes de travail. Quant au panel de citoyens, que l’on peut juger représentatif de la société française, il ne doit en aucun cas occulter les biais inhérents à une méthode de travail au service du pouvoir.

La méthode et l’évolution du contenu de cette expertise citoyenne mériteraient une véritable analyse sociologique et politique. Le seul exemple des personnalités, des experts et des scientifiques retenus, soit comme « garants », membres du « Groupe d’appui et du Comité légistique », comme « intervenants » audités ou comme « chercheurs observateurs », suffit à révéler leur extrême homogénéité au regard des idées libérales. Quasiment aucune place n’a été laissée aux analyses « hétérodoxes » ou « alternatives » dans les différents champs scientifiques concernés, pas plus qu’en matière de représentation du mouvement syndical, voire associatif. Les « think tank » et cabinets spécialisés se sont taillés la part du lion dans le volume des interventions. Cela rappelle d’ailleurs étrangement la méthode construite pour les groupes de travail du Grenelle de l’Environnement en 2008, que j’avais dénoncée dans un chapitre de mon ouvrage Pour une Terre commune : L’esprit Grenelle… ou la dérive démocratique.

Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain, sans analyser concrètement les mesures présentées ?

Non, bien au contraire. Et j’ai d’ailleurs tenu immédiatement à saluer le travail de fond accompli.

Tout d’abord, parce que les arbitrages des citoyens ont confirmé la relation directe entre politique climatique et choix de justice sociale. En première intention, ils sont même allés souvent au-delà des limites légitimées par le pouvoir. Cela a été le cas avec les « débordements » sur la baisse du temps de travail ou sur la taxation des dividendes. Même si ces sujets de fond ont été tactiquement évacués, soit avant validation, soit par le Président de la République le lundi 29 juin, ils sont les témoins d’une nécessité d’intervenir sur le système capitaliste lui-même… une volonté qui reste bien entendu à construire et conscientiser.

Ensuite, parce que sur le périmètre direct de la Convention, parmi ses 149 propositions, des mesures essentielles pour notre avenir climatique ont été retenues. Elles peuvent et doivent servir de point d’appui pour les propositions législatives et budgétaires que nous portons depuis longtemps au Parlement.

Je pense, par ordre prioritaire d’efficacité climatique, à celles concernant le secteur du logement et des bâtiments, avec l’exigence d’une rénovation globale, assise sur un vrai service public de la rénovation énergétique avec guichet unique, accompagnement et suivi. Reste le volet de l’engagement budgétaire et financier, trop peu précisé par la Convention... et pour cause ! Mais appuyons-nous concrètement sur ce travail de la Convention pour exiger dans le prochain budget les 10 à 15 milliards d’euros que nous jugeons nécessaires pour un soutien efficace à la rénovation annuelle de 700 000 logements et des bâtiments publics.

Je pense ensuite au secteur des transports. Nous défendons depuis longtemps la nécessité d’investissements massifs sur le réseau ferroviaire, et voilà que la Convention citoyenne reprend ce même objectif en demandant à « développer un plan d’investissement massif pour moderniser les infrastructures, les matériels roulants et les gares », avec notamment la hausse annuelle de près d’un 1,1 milliard d’euros des dépenses de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIFT).

C’est dans cet état d’esprit constructif et ambitieux que nous avons demandé que le Parlement se saisisse concrètement des travaux de la Convention, demandant la création d’une commission parlementaire chargée d’examiner les propositions formulées, afin qu’elles soient discutées avant d’être soumises au vote. µ

André Chassaigne, député, président du groupe GDR.