Des réfugiés pris en otage entre cynisme et inhumanité

Depuis plusieurs jours, les médias relatent les conditions de vie inhumaines des réfugiés à la frontière gréco-turque. Sans espoir, et sans ressources, des milliers d’exilés syriens, afghans et irakiens sont bloqués à la frontière. Ils se retrouvent au milieu d’un sinistre chantage du président turc Recep Tayyip Erdogan et de la politique de l’Union européenne de fermeture des frontières.

En 2015, face à une première vague d’exilés syriens, Angela Merkel avait pris de court tous les leaders européens en ouvrant les portes de l’Allemagne à des centaines de milliers de migrants. Cinq ans plus tard, l’Union européenne montre de nouveau son inhumanité, son incapacité à faire preuve de solidarité et l’échec de l’accord honteux passé avec Erdogan en 2016.

En effet, l’Union européenne cherchant inlassablement à externaliser sa politique migratoire passe un « accord » en mars 2016 avec la Turquie d’Erdogan. Les réfugiés devaient rester en Turquie moyennant une aide financière de plusieurs milliards d’euros de l’UE. Ce scandaleux accord montre toute son absurdité aujourd’hui. Tout d’abord parce que les réfugiés de Turquie au nombre de 3,7 millions n’ont jamais bénéficié des 3,6 milliards d’euros et sans aucune solution, ils sont maintenant l’objet du chantage cynique d’Erdogan qui cherche des soutiens à sa guerre contre la Syrie.

De plus, l’Union européenne est aussi coupable d’avoir laissé la Grèce seule, d’avoir fermé les yeux sur la situation des îles de la mer Égée et maintenant de se taire quand le nouveau gouvernement grec suspend le droit d’asile, envoie l’armée et laisse les groupes d’extrême droite en toute impunité se comporter en « milice » anti-migrants. La présidente de la Commission européenne a tenté d’expliquer son timide soutien à la Grèce : quelques centaines de millions d’euros, de nouveaux renforts sécuritaires mais pas un mot pour répondre sérieusement aux besoins vitaux des personnes migrantes, pas un mot sur une politique de solidarité pour accueillir dignement en Europe.

« Il est urgent d’ouvrir des voies légales et sécurisées pour ces déracinés victimes de guerre »

Rappelons qu’il y aurait quelque 30 000 personnes dans les centres de réception et d’identification des îles de la mer Égée où les conditions de vie deviennent insupportables à cause de la surpopulation. Ce seraient de nouveau quelques dizaines de milliers de personnes qui seraient en errance à la frontière grecque. Encore une fois, l’Union européenne nous ferait croire qu’elle est incapable d’accueillir dignement 100 000 personnes. Cet argument est irrecevable et nie le droit international.

À l’annonce de la venue d’Erdogan à Bruxelles pour rencontrer le président du Conseil européen, Charles Michel, et de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l’Union européenne fait savoir qu’elle pourrait accueillir seulement 1 500 enfants migrants. Cela ne reste qu’une proposition symbolique qui ne réglera pas la situation actuelle qui frise l’irresponsabilité.

Il est urgent d’ouvrir de sérieux débats pour obliger tous les pays d’Europe d’appliquer le droit international et en particulier la convention de Genève sur les réfugiés, d’ouvrir des voies légales et sécurisées pour ces déracinés, victimes de guerre. Ce serait l’honneur de l’Europe de réussir une grande politique solidaire d’accueil des réfugiés.

Cécile DUMAS
responsable-adjointe du secteur international
chargée des enjeux migratoires