Élection de Lula au Brésil : une victoire décisive

Face à une extrême droite au pouvoir, disposant de profondes complicités dans les organes répressifs de l’armée et de la police, agressive, menaçante, et ayant déployé des moyens financiers impressionnants, le peuple brésilien s’est mobilisé pour barrer la route à Bolsonaro et permettre l’élection du président Lula da Silva (PT) au second tour1 avec 50,90 % des suffrages exprimés.

Une certaine illusion sur les bénéfices assurés d’un vote utile autour de la seule personnalité de l’ancien président Lula Inacio da Silva et d’une victoire au premier tour avait favorisé une forme de démobilisation à gauche. L’extrême droite, elle, fut extrêmement active à la base et, alimentant la radicalisation, sous couvert d’un parti des églises « évangéliques », le Parti libéral (PL), investi pour l’occasion par Bolsonaro2, réussit à absorber une grande part de l’électorat de droite et à gagner d’importantes positions au Congrès national comme au Sénat et dans les États, le vote à la proportionnelle pour les députés et les sénateurs dont l’élection est simultanée à l’élection présidentielle. Malgré quelques gains à gauche, comme par exemple celui d’une nouvelle députée fédérale par le Parti communiste du Brésil (PCdoB) à Porto Alegre.

Au sein d’un Congrès encore plus conservateur que le précédent, parmi les 513 sièges répartis dans un panorama encore largement pluraliste, la Fédération le Brésil de l’Espérance (FE Brésil : PCdoB, PT, PV) obtient 80 sièges (+12) dont le PCdoB qui obtient 6 députés (+2), loin du PL, premier groupe avec 99 députés (+23) qui compte parmi ses élus plusieurs des personnages les plus contestés du gouvernement Bolsonaro, comme l’ancien ministre de la Santé à la criminelle inefficacité au pire moment de la crise sanitaire. Le PCdoB, en développant le principe de fédération de partis, contribue aux conditions de la période de reconstruction démocratique qui s’ouvre.

Au second tour, restaient à élire le président de la République et les Gouverneurs des États n’ayant pas obtenu de majorité au premier tour.

Fort heureusement, le mois de campagne séparant le premier tour du second a vu les démocrates brésiliens se mobiliser à la base, surmontant des clivages importants, faisant face à des achats de vote, du harcèlement électoral sur le lieu de travail avec chantage à l’emploi, des violences contre les militants allant jusqu’au meurtre.

Alors que des millions de Brésiliens connaissent à nouveau la faim et le chômage, c’est donc largement sur un fond d’« instinct de classe » mobilisant les couches populaires ou de défense de la culture dans les couches intermédiaires que les démocrates brésiliens se sont retrouvés pour surmonter les entreprises démagogiques de l’extrême droite.

a victoire de Lula, engagé une nouvelle fois à éradiquer la faim dans son pays, a été saluée par un large enthousiasme populaire qui commence à libérer la parole. De nombreux travailleurs brésiliens étant restés discrets font à nouveau des commentaires dans les scènes de la vie quotidienne, alors que les tentatives d’obstruction des partisans de Bolsonaro sont restées marginales.

L’expérience que viennent de traverser nos camarades brésiliens dans leur bataille contre l’extrême droite est riche d’enseignements et mérite encore des analyses plus fines, notamment pour mieux comprendre les raisons des contrastes régionaux dans la résistance à la démagogie fasciste.

Avec Lula, la perspective d’un retour constructif du Brésil dans le concert des nations a été universellement saluée, ce grand pays pouvant au sein des BRICs, de la région latino-américaine ou de l’ONU, jouer à nouveau un rôle important dans les initiatives de paix, de développement, pour la défense de l’environnement et la justice sociale.

Henri Blotnik
membre du collectif Amérique latine du PCF

 

1 https://www.tse.jus.br/eleicoes/eleicoes-2022/divulgacao-dos-resultados-das-eleicoes-2022

2 Bolsonaro ayant quitté son parti d’origine et choisi d’investir un parti prétendument «centriste», mais surtout «évangélique», placé au centre d’une manœuvre visant à s’allier un «centre» parlementaire particulièrement corrompu.