Fabien avant Fabien (2/2) – Petite histoire du 8 avenue Mathurin-Moreau

1931 est une autre grande date : pour s’opposer à l’exposition coloniale à Vincennes, raciste et méprisante, des militants de « la ligue contre l’impérialisme et l’oppression coloniale » préparent dans l’annexe une « exposition anti-impérialiste ».

L’objectif (l’Humanité du 4 juillet 1931) est « de présenter dans un raccourci vivant l’impérialisme sous son vrai jour : la conquête, l’expropriation des terres, le travail forcé, la répression, les mouvements pour l’indépendance. En contrepartie l’œuvre des Soviets dans les républiques musulmanes qui étaient traitées comme des colonies par l’ancien régime tsariste. » L’exposition comportera des dessins, des graphiques, des objets d’art, elle durera un mois et s’intitulera « la vérité sur les colonies ».

Troisième moment de gloire de l’annexe, 1936/1938 : alors que la guerre civile ravage l’Espagne, et que le gouvernement Blum capitule en refusant d’aider la République voisine au nom de la « non-intervention », c’est à l’annexe que s’inscrivent les volontaires pour les brigades internationales.

Un journal d’extrême droite, « La voix du combattant », écrit : « C’est au numéro 8 de l’avenue Mathurin-Moreau à Paris que se trouve le grand bureau d’engagement. Les volontaires y sont reçus et inscrits, ils y passent la visite médicale. Reconnus aptes, miliciens en puissance, ils reçoivent des bons de couchage pour un petit hôtel rue des Chaufourniers et des bons de repas à prendre au restaurant de la « Famille nouvelle », 173 boulevard de la Villette. On leur délivre un petit bout de carton portant les inscriptions suivantes : Cercle de joueurs d’échec, La Tour, Participation au tournoi. C’est le sésame qui leur permettra d’être hébergés au cantonnement à Béziers, dernier centre de rassemblement avant le passage de la frontière. Plusieurs fois par semaine, des groupes d’une trentaine de participants prennent le train gare d’Orsay ; le billet leur est donné sur place et un viatique de 48 francs. Il y a là des Français, des Belges, des Allemands, des Anglais. » Le journaliste, un certain Paul Galland, se comporte ici comme un flic, il dénonce ce mouvement de solidarité et demande au gouvernement d’y mettre fin. Mais il nous reste ce texte qui, bien involontairement, témoigne de l’importance du rôle joué par l’annexe en matière de solidarité…

Puis déferle la répression anticommuniste. Fin 1939, l’annexe est occupée par la police. On peut lire dans Le Matin du 9 novembre 1939 : « Des commissaires de la police judiciaire ont procédé hier après-midi à des perquisitions et à la fermeture des sièges des organisations syndicales communistes. Ces opérations se sont déroulées à l’annexe de la Maison des syndicats, 8 et 12 avenue Mathurin-Moreau. On sait qu’en cet endroit les communistes avaient fait transporter et réédifier – naturellement aux frais du parti - dans l’avant-cour le pavillon des Soviets. »

C’est le prélude aux années noires, celles de la débâcle, de l’occupation et de la collaboration. Celles aussi de la Résistance, animée notamment par le jeune Pierre Georges, qui réside à deux pas de l’avenue Mathurin-Moreau, bientôt surnommé Fabien.

Gérard Pellois, Gérard Streiff