Fabien Roussel : Ne pas laisser la campagne vaccinale dans les mains du privé

Dans une récente lettre au Président de la République, Fabien Roussel rappelle que « tout le monde s’accorde à dire qu’une campagne de vaccination massive à l’échelle mondiale nous permettra d’entrevoir la sortie de cette crise sanitaire. Aujourd’hui, plusieurs vaccins existent contre ce virus. C’est la bonne nouvelle de cette année.

Il s’agit d’une prouesse scientifique, largement soutenue par les plus de 8 milliards d’euros d’investissements publics des États et, au sein de l’Union européenne, par la Commission européenne qui a investi 2,3 milliards d’euros pour le développement des capacités de production de l’industrie pharmaceutique. La découverte de ces vaccins a été aussi facilitée par le partage de la séquence complète du génome du coronavirus par les autorités chinoises, dès le 11 janvier 2020. Il est désormais urgent que ces vaccins puissent être produits massivement et soient accessibles à tous les peuples du monde, le plus rapidement possible. Malheureusement, ce n’est pas ce chemin qui est emprunté. Déjà aujourd’hui, plusieurs grands laboratoires sont incapables de respecter les engagements pris pour la livraison de leurs doses. De plus, des inégalités apparaissent entre les pays à faibles revenus et les pays riches : ces derniers ont acheté suffisamment de doses pour vacciner deux à trois fois leur population, quand les pays pauvres n’ont, à ce jour, qu’une dose pour trois habitants. La plateforme Covax est loin de répondre à cette situation. Il y a donc urgence à ce que les États prennent le contrôle de cette campagne vaccinale et organisent la production et la diffusion de ces vaccins, comme le demandent l’Inde et l’Afrique du Sud. Pour gagner cette guerre contre le virus, nous vous appelons à saisir l’Organisation mondiale de la santé afin de coordonner les efforts des États et faire du vaccin un bien public mondial. Ne laissons pas la campagne vaccinale dans les mains du secteur privé ! 

Faire du vaccin un bien public

En France, de nombreuses voix s’élèvent ainsi pour appeler à une plus grande coopération à l’échelle de la planète. Les Académies des sciences, de médecine et de pharmacie relaient cet appel. Des scientifiques de plusieurs pays appellent à faire du vaccin un bien public permettant aux pays qui en font la demande de pouvoir le produire rapidement. Comme vous le savez, l’OMC, l’Union européenne ou des États, comme la France, disposent des moyens juridiques pour suspendre les brevets en temps d’urgence sanitaire et obtenir les licences nécessaires permettant les transferts de technologie vers tous les laboratoires industriels compétents. Cela peut se mettre en place rapidement, sans spolier les industriels. En effet, l’article 311 de l’Organisation mondiale du commerce stipule que l’on peut procéder à une levée des brevets “dans des situations d’urgence nationale ou d’autres circonstances d’extrême urgence ou en cas d’utilisation publique à des fins non commerciales”. Nous y sommes ! En France, la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 du 23 mars dernier a prévu “de prendre toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de la catastrophe sanitaire”. »

Dans la même lettre, Fabien Roussel signale que le 30 novembre dernier, une initiative européenne citoyenne a été lancée demandant un changement législatif (1), notamment pour « veiller à ce que les droits de propriété intellectuelle, brevets compris, n’entravent pas l’accessibilité ou la disponibilité de tout vaccin ou traitement futur contre la Covid-19 ». Cette revendication que l’on signe sur Internet (exclusivement) intitulée « Face au Covid-19 tout le monde mérite protection. Pas de profit sur la pandémie » vise tout à la fois à protéger tout le monde à égalité ; à garantir la transparence ; à éviter que certains tirent des profits de la pandémie ; à privilégier la coopération sur la compétition ; à accélérer enfin la vaccination. L’objectif est de réunir un million de signatures en un an pour être examinée par la Commission européenne.

Évoquant la crise sanitaire dans son rapport devant le CEN lundi 8, Olivier Dartigolles remarquait : « Mesurons bien combien la question des vaccins, aujourd’hui au centre des préoccupations du plus grand nombre, est aussi devenue une question très politique, à dimension nationale et internationale. Au fil des dernières semaines, les anti-vaccins ont disparu des radars médiatiques. Après un lancement très difficile de la campagne vaccinale, le Premier ministre vient d’annoncer une accélération avec des rendez-vous supplémentaires pour se faire vacciner (500 000 en plus en février et 1,2 million en mars). La population veut se faire vacciner et elle est donc très sensible aux informations diffusées sur la production et la livraison des vaccins. On assiste donc à un mouvement général de prise de conscience du rapport de force, des antagonismes, entre les logiques marchandes des BigPharma et l’intérêt général, entre les objectifs humains de santé publique (mettre au point des médicaments soignant le plus grand nombre de maladies et de personnes), et celui des profits des grands laboratoires (servir les plus gros dividendes possibles à des actionnaires jamais repus). Il y a là un choc frontal. »

1. https://noprofitonpandemic.eu/fr/

 

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