La nouvelle agression turque ne fera pas plier les Kurdes

Alors que la Russie de V. Poutine multiplie les crimes de guerre en Ukraine, son alter ego, R.T. Erdogan, à l’ombre de l’émotion mondiale et du silence médiatique, vient de lancer une énième offensive sanguinaire contre les combattants du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). À quelques mois d’un scrutin périlleux pour le tyran d’Ankara, qui a plongé son pays dans la crise, tout est fait pour exacerber les sentiments nationalistes contre le peuple kurde.

En territoire irakien, les bombardements de l’aviation et de l’artillerie se multiplient, frappant de nombreux villages, alors que des troupes turques d’occupation ont débarqué. Le gouvernement de Bagdad a dénoncé la violation de sa souveraineté et la menace pour sa sécurité, d’autant que la collusion entre la Turquie et les formations djihadistes demeure active.

De toute évidence, cette opération est conduite en concertation avec le gouvernement régional du Kurdistan d’Irak, ceux-là même qui ont fui devant l’avancée de l’État Islamique, abandonnant les Yézidis à une nouvelle tentative de génocide. Les clans de Masrour Barzani et des Talabani, qui se présentent encore comme des libérateurs, ont volé les espoirs d’émancipation de leur peuple. Ils ont mis en place un système de corruption et d’arbitraire clientélaire afin d’établir un contrôle prédateur sur les ressources et l’économie. Face à l’ampleur des inégalités, une frange de la jeunesse n’a pas d’autre alternative que l’émigration, alors que l’autre partie se soulève désormais contre ces dynasties qui déchaînent contre eux la répression. Ils craignent par-dessus tout leur renversement, cherchant à pérenniser leur domination dans une alliance avec Ankara. Ce choix mortifère suscite la colère de millions de Kurdes attachés à leur unité et à la paix.

À côté de cette offensive en Irak, la Turquie, avec le soutien tacite de Moscou, amplifie ses bombardements sur le Rojava (Syrie), visant ces jours-ci la ville symbole de Kôbane. Ils entendent briser l’expérience démocratique et progressiste qui s’y déploie permettant à toutes les minorités de vivre ensemble.

De la même manière, la répression en Turquie bat son plein contre les Kurdes et toutes les forces démocratiques. Les arrestations de militants, de journalistes, d’avocats, de maires et de parlementaires s’intensifient à l’approche du scrutin de 2023. Selahattin Demirtas, ancien co-président du Parti démocratique des peuples (HDP), parlementaire, deux fois candidat à l’élection présidentielle, en est une figure emblématique. Arrêté en 2016, il risque des dizaines d’années de prison alors que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a exigé sa libération. Nûdem Durak est un autre visage contre lequel souffle la violence autoritaire. Chanteuse kurde, emprisonnée et condamnée à dix-neuf années de prison, paie son engagement artistique en langue kurde. L’association « France-Kurdistan » a engagé une campagne nationale pour sa libération que nous appelons à amplifier.

Ces nouvelles opérations militaires, qui accroissent la déstabilisation régionale, sont cependant vouées à l’échec car il n’existe aucune solution militaire à ce conflit. Ni les bombardements, ni la répression, ni l’incarcération des élus et des militants, ni les tortures, ni les violations du suffrage universel, ni la volonté d’interdire le Parti démocratique des peuples (HDP) n’ont jamais fait plier les Kurdes et les forces démocratiques de Turquie ou du Rojava.

Encore au ban des nations il y a quelques mois, R.T. Erdogan se présente volontiers comme le nouveau parangon de l’OTAN, comme un médiateur dans la crise ukrainienne conduite par son partenaire de circonstance, V. Poutine. Si personne n’est cependant dupe de son cynisme, ni la France, ni les États-Unis, ni les pays de l’Union européenne n’ont émis la moindre condamnation ni désavoué ce régime liberticide et belliqueux. Pourtant, les Kurdes subissent la même barbarie et les mêmes crimes que le peuple ukrainien. Ce « deux poids deux mesures » est vécu comme une immense injustice, alors qu’il y a quelques mois encore les combattants kurdes étaient encensés pour leur courage face aux forces obscurantistes de Daesh.

Les communistes condamnent cette agression et appellent les gouvernements de la France et de l’Union européenne à fustiger le régime de R.T. Erdogan et à cesser de consolider les clans féodaux du gouvernement régional du Kurdistan.

Pascal Torre
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient