La présidence française de l’UE et la campagne européenne du PCF

On le sait, la France a pris au 1er janvier la présidence du conseil de l’Union européenne, c’est-à-dire de l’équivalent du conseil des ministres de l’Union. Moins connue est le début d’une autre présidence française : celle de la VJTF, la force militaire de l’OTAN de réaction rapide, et ce pour un an. Enfin, ce début d’année marque le début de la présidence allemande du G7, que la nouvelle coalition sociale-libérale-atlantiste allemande va chercher à utiliser comme vitrine.

Le discours du futur candidat Macron présentant le 9 décembre les orientations de la présidence française est à considérer dans ce contexte général. Il est révélateur de la recherche que mènent les bourgeoisies européennes d’une nouvelle synthèse, instable, voulant redéfinir les coordonnées de leur domination sur le continent. En résumé, elle repose sur trois piliers, qui s’expriment différemment d’une bourgeoisie nationale à l’autre et renforcent les contradictions entre les classes dominantes :   

  • La recherche d’un nouveau mode d’accumulation du capital, par l’utilisation à des fins capitalistes de la transition numérique et de l’écologie, et par l’obligation, engendrée par l’évolution des rapports de force dans la crise, de lâcher quelque peu certains éléments sociaux. Sur ce dernier point, Macron se place dans la position la plus conservatrice, en ne disant rien ni la lutte contre la pauvreté, ni sur le salaire minimum. Même cette farce que fut le « sommet social » de Porto en mai 2021 fit mieux. C’est dans ce contexte que se situe le débat sur la restauration ou les modifications des règles austéritaires européennes, l’Allemagne défendant la première option, Macron la seconde.
  • Un marchandage indigne pour donner des gages politiques au bloc le plus droitier, à savoir aux gouvernements du groupe de Visegrád, en particulier au pouvoir en place à Varsovie. Macron donne ainsi quitus à la politique xénophobe et violant le droit international menée par ce dernier et l’a replacé au centre du jeu européen.
  • Un réalignement atlantiste, en liant la « boussole stratégique » de l’UE, qui doit être adoptée en mars, au sommet l’OTAN qui se tiendra à Madrid en juin. Cela scelle l’effacement de la France au niveau stratégique, et le fait que Washington comme Moscou négocient entre eux la sécurité des peuples d’Europe, la première défendant l’impérialisme américain comme porte-parole des « démocraties », la seconde trop heureuse de se voir reconnaître un statut d’égal à égal avec les USA et trop déçue de l’absence de réponse des Européens à ses propositions passées, notamment celle d’ouvrir les négociations d’un nouveau traité de sécurité collective.

La campagne du PCF et la candidature de Fabien Roussel mettent en avant des propositions fortes pour répondre à la hauteur des enjeux et aptes à rebattre les cartes à gauche. Elles concourent à donner à la France une voix indépendante pour proposer une autre voie aux peuples et nations d’Europe. Chaque nation européenne doit pouvoir décider souverainement de ses choix et conclure dans un cadre démocratique les coopérations nécessaires avec les autres pour répondre aux urgences communes à tous les peuples d’Europe, qu’elles soient climatiques, sociales, sanitaires, politiques ou géopolitiques. Cette urgence n’est pas mue par un horizon théorique, mais par une nécessité immédiate. Nul ne peut dire sur quoi peut déboucher à court terme la crise entre l’OTAN et la Russie, après la rupture des relations diplomatiques directes entre la Russie et l’OTAN à la fin de 2021.

Ces propositions peuvent se ramasser en quatre exigences fondamentales.

  • Répondre à l’urgence démocratique en rompant avec les règles et traités austéritaires européistes, en commençant par le pacte de stabilité et de croissance, et en lançant un processus démocratique, associant les représentants des peuples et des nations et de leurs forces vives, pour une nouvelle construction européenne fondée sur l’alignement par le haut des droits.
  • Répondre à l’urgence sanitaire en lançant une mobilisation internationale pour la levée immédiate des brevets sur les vaccins et en construisant de nouvelles coopérations européennes dans le domaine de la santé, autour d’un pôle public du médicament.
  • Répondre à l’urgence sociale et écologique en mobilisant les ressources financières de la BCE et celles issues de l’éradication de la fraude et de l’évasion fiscales en concluant un pacte européen de progrès social et de transition écologique à hauteur de 6 % du PIB européen, soit 900 milliards d’euros par an ; et par un moratoire sur les délocalisations, et en donnant de nouveaux droits aux travailleurs dans les entreprises européennes.
  • Répondre à l’urgence géopolitique en sortant de l’OTAN et en proposant la tenue d’une conférence européenne, associant les États voisins, Russie incluse, pour ouvrir les négociations d’un traité assurant la paix, la sécurité collective et la coopération à l’échelle régionale et continentale.

Les jalons de la présidence française seront autant d’occasions de défendre ces orientations, à commencer par la mobilisation contre l’OTAN et pour le désarmement nucléaire global et multilatéral, à l’occasion du sommet des ministres de la Défense et des Affaires étrangères qui se tiendra à Brest du 12 au 14 janvier.

 

Vincent Boulet

responsable-adjoint

secteur International/Europe