Le pragmatisme de Joe Biden pour la levée des brevets doit se traduire en actes

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Enfin un espoir ! Alors que depuis le début de la pandémie une majorité de pays n’a pas choisi une stratégie d’éradication mais plutôt de « vivre avec » le virus, causant par là même des centaines de milliers voire des millions de morts qui aurait pu être évités, la vaccination est un des instruments essentiels de la lutte pour contenir la pandémie et si possible l’éliminer. Mais pour y arriver, encore faut-il considérer que le virus n’a pas de passeport, et que ses variants sont de grands voyageurs qui pourraient contourner l’immunité vaccinale. Le calcul égoïste des grands pays capitalistes se heurte à la réalité de notre monde et des nouveaux agents pathogènes.

Il ne sera pas possible de sortir de la pandémie si on laisse des régions entières du globe sans moyens et sans vaccins. Les vagues successives, la situation en Inde ou au Brésil en attestent. D’où cette annonce de Joe Biden et de son administration qui précisent que « les circonstances extraordinaires appellent des mesures extraordinaires ». C’est quelque part un aveu. Puisqu’il faut être efficace alors il y a besoin de mettre entre parenthèses les fonctionnements habituels du marché et des seules logiques du profit, pour laisser place à l’efficacité de la mise en commun. D’autant que les traités internationaux en vigueur permettent de lever les brevets.

Cette avancée reste à concrétiser. Elle donne du crédit à cette bataille qui doit se poursuivre, et pour laquelle le Parti communiste français a été un des précurseurs. Par les luttes, par la pression des peuples, avec le positionnement de pays comme l’Afrique du Sud, et par nécessité, les dirigeants de pays capitalistes sont obligés de réviser leurs positions. Sans oublier le fait que Joe Biden agit de la sorte parce qu’il est sous pression à la fois de son aile gauche qui prend de la vigueur d’élection en élection, que de plus en plus d’acteurs s’aperçoivent de l’égoïsme abject et imbécile des capitalistes et enfin parce qu’il sait qu’il n’a pas droit à l’échec tant la droite extrême est en embuscade.

Mais que de temps perdu ! Quel gâchis ! Alors que la recherche sur les vaccins a été financée très majoritairement par de l’argent public, et que les risques pris par les industries pharmaceutiques ont été assumés par les Etats, les profits faramineux sont engrangés par Big Pharma et ses actionnaires. C’est la bonne affaire de la pandémie. La version moderne du slogan capitaliste « investissez au son du canon ». Les bientôt 4 millions de morts ne sont rien aux yeux de ces grandes multinationales qui se conduisent comme des monstres en souhaitant jouer les prolongations sur le dos de la santé des êtres humains.

La bataille des idées fait donc rage parce que les forces réactionnaires ne vont rien lâcher sans réagir. Le jour même de l’annonce de Biden les éléments de langage étaient déjà déversés, comme lors d’un journal de France 2. La télévision française annonce que « selon certains experts, sur le long terme, cette mesure pourrait avoir des effets négatifs ». Hélène Stankoff, qui défend les intérêts de grandes sociétés devant l’Office Européen des Brevets est là pour annoncer que « ça pourrait freiner la recherche, derrière, sur les maladies futures, parce que les sociétés ne trouveront plus un intérêt, autant, à investir ». C’est la fabrique de l’opinion en marche. Sur le fond, quelle vision absurde ! Pasteur aurait donc trouvé le vaccin contre la rage parce qu’il voulait s’enrichir ?

Le président français de droite n’est pas en reste. Chantre du « en même temps », M. Macron doublé par Joe Biden s'est soudainement souvenu avoir déclaré qu'il était favorable à un vaccin « bien public mondial ». Mais il s’oppose dans les faits à la levée des brevets. A Porto, il a allumé un contre feu en indiquant que l’urgence était d’abord à la fin des « interdictions à l’export » des doses et de leurs composants.

Allez, on a besoin des deux : Oui, l’urgence est à obliger les États-Unis à exporter, ce qu’ils n’ont pas fait jusqu’à présent. Et la levée des brevets doit être actée rapidement, avec une coordination au niveau international, impliquant l’OMS. La lutte contre la pandémie nécessite de construire les infrastructures, les équipements, transférer les technologies et les connaissances, former pour produire des vaccins sur tous les continents. En parallèle, cette pandémie révèle l’urgence de développer de véritables systèmes de santé solidaires dans le monde, pour mettre les peuples en sécurité et parce que la santé publique est un enjeu planétaire, où l’illusion d’îlots de prospérité doit tomber définitivement. Agir dès maintenant, y compris pour affronter demain de nouvelles pandémies.

Dominique Josse
membre de la Commission des relations internationales du PCF