Le Sahel dans l’abîme, et la France abîmée, le bilan désastreux d’Emmanuel Macron en Afrique

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L’État français a menti et refuse de reconnaître ses responsabilités. Telles étaient les conclusions du rapport de la division des droits de l’homme de la mission de l’ONU au Mali (Minusma) au sujet du massacre commis lors du bombardement du 3 janvier 2021 par l’armée française près de Bounti. C’était il y a un an. 19 civils réunis pour un mariage avaient été tués. Et il ne s’agissait pas d’un simple rassemblement de « djihadistes » comme le répétait le pouvoir français.

Dans la foulée, le PCF appelait le gouvernement à rompre avec « l’obstination habituelle du refus de la vérité quand sa responsabilité est engagée. C’est intolérable sur le fond et participe à dégrader davantage l’image de la France à l’étranger ». Bien-sûr il n’en a pas été tenu compte. A l’Élysée, au ministère de la défense ou au Quai d’Orsay, le logiciel reste le même. On est sûr de sa force et de la toute-puissance de notre domination militaire, politique et économique. Pourquoi changer ? De bilan de la politique de la France en Afrique et des expéditions militaires il n’a jamais été question. Pourtant, depuis près de 9 ans les parlementaires communistes n’ont cessé de mettre en garde contre l’enlisement au Mali et le risque d’une « stratégie qui s’enfonce dans l’impasse ».

En ce mois de janvier 2022, l’actualité au Mali et au Burkina Faso signe à elle seule le bilan du mandat d’Emmanuel Macron en Afrique. Au Mali tout d’abord avec l’aveuglement devant l’échec de Barkhane, y compris dans sa version reconfigurée. Il y a la douleur de voir toujours et encore la mort de soldats français, celle d’un brigadier cette semaine, pour des objectifs inatteignables parce qu’aucune des causes des violences et de l’instabilité qui frappent le pays n’ont été traitées. Et comme si les souffrances du peuple malien ne suffisaient pas, voilà que la CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) vient de décréter des sanctions extrêmement dures, appuyées par la France qui agit également pour enrôler l’Union européenne dans cette punition. L’absurde atteint des sommets. L’État français est présent militairement pour officiellement « aider » les Maliens, quand dans le même temps il se déchaine pour le punir via des sanctions scandaleuses qui vont jeter de l’huile sur les braises, avec des répercussions pour l’ensemble des pays de la sous-région. On marche sur la tête.
Quoi que l’on pense du pouvoir malien, en manque de légitimité démocratique car issu d’un coup d’État, l’absence, critiquée par la France officielle, de calendrier électoral n’est qu’un faux prétexte. Après tout, on ne s’embarrasse pas de précaution quand Paris soutient les dictatures du Tchad ou d’ailleurs. En réalité, ce que Macron et consorts font payer aux Maliens, c’est de faire appel à d’autres pays – en l’occurrence la Russie – pour tenter de trouver une issue à l’insécurité grandissante.

En plus d’actionner un engrenage dangereux au Mali et au Sahel, les autorités françaises ont réussi à mobiliser les opinions publiques contre elles. L’image de l’Etat français, et de son armée, est en chute libre en Afrique francophone. Le blocage par une population en colère d’un convoi de l’armée française au Burkina et au Niger et la répression, faisant 3 morts et plusieurs blessés, en témoigne. Le refus de la France d’établir la vérité sur ses responsabilités a aggravé le ressentiment à son égard. On aurait voulu abîmer l’image de la France en Afrique, que l’on ne s’y serait pas pris autrement.

Au Burkina, janvier a été marqué par un coup d’État militaire qui remet en cause les fragiles avancées obtenues depuis l’insurrection de 2014 et la chute du dictateur Blaise Compaoré. Le président Roch Kaboré, élu pourtant démocratiquement, a été obligé de démissionner, le gouvernement et l’Assemblée nationale dissouts, la Constitution suspendue. Les coups d’État, qui se sont succédé en quelques mois en Guinée, au Mali et au Burkina, en disent long sur la situation qui prévaut dans la sous-région. Les peuples paient l’addition, entre autres, de toutes les ingérences extérieures. Le Burkina en est la parfaite illustration. Son développement, original et porteur d’espoir, a été interrompu avec l’assassinat commandité de Thomas Sankara, dont l’État français continue d’ailleurs de cacher son degré d’implication. Il s’en est suivi un règne de 27 ans du régime Compaoré, pièce maîtresse de la Françafrique, qui a soumis le pays à une cure de corruption, d’inégalités, de soumission aux règles du FMI, de déstabilisation de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, dont la Côte d’Ivoire, et de jeu malsain avec les groupes terroristes qui frappaient le Mali. En 2014, Compaoré a été exfiltré et mis à l’abri en Côte d’Ivoire par l’armée française, pour qu’il ne révèle pas les turpitudes de la France et qu’il puisse tirer les ficelles et au besoin déstabiliser le Burkina. Ce qui n’a pas manqué d’arriver. Conséquence de la guerre de la France et de l’OTAN contre la Libye, la déstabilisation du Mali a jeté des métastases au Sahel. Pris dans la tourmente, le Burkina s’est trouvé en difficulté pour contrer le chaos sécuritaire et avec un État extrêmement affaibli. C’est dans ce contexte délétère que les putschistes qui se revendiquent du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) ont justifié leur prise de pouvoir, promettant de ramener l’ordre, mais quel ordre ? Pour l’instant la réponse n'est pas connue.
Dans les relations entre la France et l’Afrique, la levée de certains irritants politiques, comme la restitution des œuvres, ou les manœuvres visant à faire croire à l’abandon du FCFA pour mieux consolider la domination monétaire en Afrique de l’Ouest, ne peuvent escamoter le bilan désastreux de M. Macron.

Il est temps de changer de politique et de mettre en place de nouveaux mécanismes de coopération faisant la part belle à la satisfaction des besoins humains et au renforcement des souverainetés des peuples africains dans tous les domaines. La France, dont le crédit s’effrite, abîmée par les doubles langages et le deux poids deux mesures, dans une logique illusoire et contreproductive de puissance et de domination, pourrait au contraire porter une voix originale. Cette voix serait largement et positivement reçue sur tous les continents, participant à son rayonnement et son influence au service de la paix et d'un monde plus humain. Ce que porte la candidature de Fabien Roussel.

Dominique Josse
responsable du collectif Afrique du PCF
membre de la Commission des relations internationales