Les mutations de la mondialisation sont-elles l’expression d’une crise systémique du capitalisme ?

C’est la question que se sont posée les participants au séminaire de la Fondation Gabriel Péri et de la revue Économie et Politique le 21 février dernier dans le cadre du cycle de conférences sur « Le capitalisme vers un nouveau paradigme ? »

 

Après avoir caractérisé les différentes phases de la mondialisation, Vincent Vicard, adjoint au directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), a développé trois nouveaux aspects de celle-ci. La question des déséquilibres commerciaux avec une Amérique du Nord en déficit alors que l’Europe et la Chine sont en excédent (et produisent donc plus qu’ils ne consomment). Le rôle croissant des paradis fiscaux avec 50 % des flux de capitaux qui passent par ces intermédiaires alors qu’une taxe minimale mondiale sur les multinationales pourrait faire rentrer au moins 203 milliards d’euros dans les caisses des États. Enfin la question du rôle des multinationales et leur autonomisation par rapport à leur état de production.

Nasser Mansouri-Guilani, membre honoraire du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et ancien dirigeant du secteur économique de la CGT, a quant à lui développé la nécessité pour le système capitaliste de trouver des solutions à la crise structurelle de suraccumulation du capital. Un élément central est la nouvelle configuration du travail avec la révolution informationnelle qui est utilisée contre les travailleur·es aujourd’hui au lieu de permettre l’émancipation humaine. Quatre éléments centraux ont été développés. La mondialisation est pour l’instant un processus historique du capitalisme. Les trois acteurs de cette mondialisation sont les entreprises multinationales, les États et les institutions internationales voulant inscrire dans le marbre le dogme du libre-échange. L’UE et la France ne sont pas des victimes de la mondialisation comme certains voudraient le faire croire, mais bel et bien des acteurs centraux de celle-ci, notamment à travers leurs politiques impérialistes. Ce qui découle des 3 premiers éléments est que sans changement de fin à cette mondialisation (c’est-à-dire sans dépassement du système capitalisme) il n’y a pas de changement de paradigme à proprement parler mais bien une résilience de la mondialisation capitaliste libérale.

Néanmoins, des résistances et alternatives émergent face à un capitalisme sauvage qui a émergé depuis la chute des pays socialistes. Les questions de relocalisation, de recouvrer une forme d’indépendance économique sur certains secteurs clés comme la volonté affichée « d’autonomie stratégique » de l’UE en matière industrielle par exemple, sont un marqueur des contradictions qui émergent du système libéral actuel.

L’urgence est aujourd’hui de sortir des règles du marché et ne plus produire au détriment des êtres humains et de la planète. Et pour cela, rien ne changera structurellement sans les luttes des travailleur·es permettant la construction d’un rapport de force au niveau national et mondial. Des exemples de résistance voient aujourd’hui le jour un peu partout dans le monde. La nouvelle présidence depuis janvier par Cuba du G77 +Chine est un exemple concret de la volonté d’en finir avec la logique hégémonique des grandes puissances (États-Unis en premier lieu) et de mettre l’humain au cœur des échanges internationaux avec la priorité donnée à la réalisation des Objectifs de développement durables de l’Onu (ODD), notamment l’accès universel à une éducation et une santé de qualité.

Charlotte Balavoine