Lettre au ministre Pap Ndiaye sur l’exclusion d’un lycéen communiste

Monsieur le Ministre,

Nous souhaitons par cette lettre vous interpeller sur une situation qui nous préoccupe vivement dans un lycée de Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées.

Le 25 novembre 2022, deux élèves du lycée Marie-Curie de Tarbes ont été sanctionnés de 3 et 4 jours d’exclusions aux motifs de « blocage d’entrée de l’établissement », « incivisme » et « prosélytisme politique » pour un des deux.

 

Il est reproché à ces lycéens d’avoir participé à une mobilisation devant leur lycée le 10 novembre 2022, dans le cadre d’une journée d’action interprofessionnelle nationale pour l’augmentation des salaires.

Ce jour-là, des lycéens se sont mobilisés pacifiquement devant leur établissement pour dénoncer la sélection sociale opérée par Parcoursup, et, de manière générale, exprimer leur inquiétude sur un avenir qui leur apparaît de plus en plus bouché et incertain. Des militants syndicaux étaient présents sur place pour s’assurer du bon déroulement de l’action, et les forces de l’ordre présentes ont pu constater qu’aucune violence, dégradation ou pression n’ont été effectuées.

Ce mode d’action pacifique est utilisé depuis des années par des lycéennes et lycéens, et, ce jour-là, d’autres lycées ont connu des actions de ce type. Pourtant, nulle part de telles sanctions n’ont été prononcées.

Monsieur le Proviseur du lycée reproche en outre à un des deux lycéens sanctionnés d’avoir prononcé des propos « très politiques » ce jour-là, à l’extérieur du lycée. Il considère ainsi que toute action politique devant le lycée, comme une distribution de tract ou une prise de parole est illégale, car elle contreviendrait à l’article L 141-5-2 du Code de l’éducation interdisant toute forme « d’endoctrinement » aux abords immédiats d’un établissement.

Si cet article vise légitimement à protéger nos élèves de tentatives de pressions ou de manipulations, notamment religieuses, l’action de jeunes militants politiques devant un lycéen ne saurait y être comparée.

En distribuant des tracts devant un lycée, les militants politiques ne font qu’user de leur liberté d’expression, droit fondamental garanti par notre constitution. Ce droit à l’expression, à l’action politique, est inscrit dans l’ADN de notre République et il nous importe à toutes et tous de le protéger et de le chérir.

Nous connaissons, Monsieur le Ministre, vos engagements passés et présents contre toute forme d’injustice et pour la liberté d’expression. C’est aussi le sens de vos propos tenus en tant que ministre de l’Éducation nationale auprès de l’Office franco-allemand pour la Jeunesse le 15 septembre dernier, lorsque vous déclariez que « la France […] souhaite ainsi motiver les jeunes, promouvoir leur engagement social, […] renforcer leur confiance dans la démocratie ».

Quel message est alors envoyé à des jeunes qui se mobilisent pacifiquement, si en retour la seule réponse qui leur est apportée est une sanction ?

C’est aussi le sens des programmes d’éducation morale et civique du lycée qui amènent les élèves à se questionner sur « l’engagement et ses modalités », « les nouvelles modalités de mobilisation et d’implications politiques » ou encore « la responsabilité individuelle et collective ».

Là encore, alors que des lycéens font vivre concrètement cet engagement, ne faudrait-il pas mieux les écouter plutôt que de les exclure de leur établissement ?

Afin de faire vivre la liberté d’expression, nous vous demandons, Monsieur le Ministre, d’agir pour qu’aucun lycéen ne puisse être sanctionné pour des faits de militantisme politique à l’extérieur du lycée. Au-delà, nous vous demandons de prendre des initiatives afin de garantir le droit de chaque lycéen à s’exprimer librement à l’extérieur devant son lycée.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations républicaines les plus distinguées.

Fabien Roussel, Secrétaire national du PCF

Éliane Assassi, Présidente du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste au Sénat

André Chassaigne, Président du groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine à l’Assemblée nationale

Léon Deffontaines Secrétaire général du MJCF