Licenciements, suppressions d’emplois, luttes, propositions

Sanofi, Michelin, Thalès, Air France KLM, Les Fonderies du Poitou, Derichebourg Aeronautics, Mecafi, Jacob Delafon, Auchan, Comatelec, Sodexo… La litanie pourrait continuer encore, et elle fait froid dans le dos. Ces derniers mois, les annonces de si mal nommés « plans de sauvegarde de l’emploi » se sont succédé, trop souvent assorties d’une tentative de nous faire croire que ces suppressions d’emplois massives sont une conséquence de la pandémie de la Covid-19.

Pourtant, certains de ces plans étaient prévus bien avant la crise, tandis que d’autres ont été annoncés au sein d’entreprises dont les carnets de commandes sont pleins, comme par exemple dans le cas de l’équipementier aéronautique Lisi-Creuzet. Or, ces vagues de licenciements interviennent au sein de groupes ayant pour la plupart bénéficié d’aides publiques depuis des années, notamment du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ou du Crédit d’impôt recherche (CIR). Surtout, nombre de ces groupes ont été aidés par l’État pendant la crise sanitaire, que ce soit sous la forme de Prêts garantis par l’État ou de chômage partiel. Les exemples sont nombreux, tel celui du voyagiste TUI France qui se débarrasse – il n’y a pas d’autres termes lorsqu’un directeur annonce un PSE par visioconférence sans concertation depuis sa résidence au Maroc – de 60 % de ses effectifs français alors que 100 millions d’euros de prêts garantis par l’État allemand ont été consacrés à la branche française.

Si encore ces groupes s’appliquaient à eux-mêmes leurs pratiques austéritaires d’économies de bouts de chandelles, sans doute la pilule passerait-elle mieux. Mais loin de mettre en pratique les vertus qu’ils prêchent – pour les autres –, les actionnaires n’ont de cesse de continuer à se verser leurs dividendes et à les augmenter toujours davantage. La tendance est au profit immédiat, même en période de crise, sans vision d’avenir pour les entreprises devenues les cibles de ces parasites voraces qui ponctionnent tant et plus de dividendes. Dividendes par ailleurs chers payés, puisque ce faisant ils dépouillent la recherche et le développement, les investissements, la formation… et, bien évidemment, les salariés qui en paient le prix, sans compter les bassins d’emplois sinistrés et la perte d’attractivité des territoires concernés. Car les entreprises ne sont pas – ou plutôt, ne devraient pas être – des jouets aux mains des actionnaires : elles représentent la force productive de la France, elles fonctionnent grâce aux salariés, à leurs savoir-faire et leurs compétences, sont en lien direct avec leurs sous-traitants qui bien souvent dépendent d’elles. Plus grave, cette tendance traduit une modification profonde du rapport à la souveraineté de la France et de sa stratégie industrielle, à l’œuvre depuis des décennies.

Qu’on se penche un instant seulement sur le cas de Sanofi qui a annoncé 400 suppressions d’emplois cette année. Qu’est-ce qui se cache derrière ce plan, au-delà des pertes d’emplois – dramatiques – pour les salariés, et de la perte de compétences et de savoir-faire ? Ces 400 emplois concernent la recherche et développement, ce qui, pour un pharmaceutique en pleine pandémie, donne le frisson, d’autant que ce sont en tout quelque 1 000 emplois en France qui sont visés sur trois ans. Or, au cours des dix dernières années, Sanofi a touché autour d’un milliard d’euros de crédits d’impôts divers (CIR, CICE). Et n’oublions pas que l’entreprise bénéficie des remboursements de médicaments de la Sécurité sociale, ce qui représente 80 % de son chiffre d’affaires – chiffre d’affaires d’ailleurs en hausse du fait de la vente d’antidouleur en période de pandémie de la Covid-19. Ce serait risible si ce n’était pas si tragique.

Le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste au Sénat porte la conditionnalité des aides publiques aux garanties d’emplois, ainsi que les enjeux de souveraineté et la nécessaire réindustrialisation de la France. µ

Fabien Gay

sénateur