Paris - Protéger les plus fragiles face à cette crise inédite

Lettre de Nicolas Bonnet Oulaldj à Madame Anne Hidalgo, Maire de Paris (Extraits)

Cette crise et l’application du confinement par le gouvernement touchent de manière inégale les Parisien·ne·s. Notre priorité doit rester la lutte contre les inégalités et protéger en priorité les plus fragiles.

Vous avez commencé par un dépistage dans les Ehpad, c’est une très bonne décision. Il conviendrait de l’élargir aux foyers de l’Aide sociale à l’enfance, aux foyers de jeunes travailleurs comme aux foyers accueillant des migrants et aux résidences étudiantes.

Nous soutenons l’appel des 92 associations qui ont saisi les Nations unies au sujet de l’urgence sanitaire.

Nous devrions demander, d’un même pas, au préfet, la fermeture du Centre de rétention CRA de Paris-Vincennes et la mise à l’abri des migrants en attente de pouvoir traiter leurs dossiers et ce pour des raisons sanitaires évidentes.

Cette période de confinement aura aussi des conséquences sociales dramatiques, comme l’augmentation des violences conjugales et intrafamiliales, les conséquences psychologiques, ou encore sur le décrochage scolaire. Vous avez déjà pris des mesures spécifiques avec votre adjointe Hélène Bidard que nous saluons mais que nous devrons maintenir dans le temps et envisager de nouvelles mesures.

Nous pourrions, par exemple, nous assurer en début d’année scolaire que chaque élève a un accès à Internet, grâce à une connexion et un matériel adapté (tablette ou portable) dans les foyers qui en sont dépourvus. Nous restons conscients que cette connexion, nécessaire et cruciale, ne pourra remplacer la place centrale de l’enseignement. 

Mais avant cela ne faut-il pas étudier la possibilité accroître l’accueil des enfants des familles dont les parents travaillent dans des secteurs stratégiques (au-delà de la santé et de la sécurité), employés du commerce, agents de la ville mobilisés et exposés ?

Des informations des Pompiers de Paris nous indiquent une forte augmentation des décès à domicile, toutes ne sont pas à mettre au compte du Covid-19, mais l’isolement, la mauvaise compréhension de l’usage du 15 peut devenir mortel. Le recensement de ces populations isolées est-il suffisant ?

Si l’organisation du télétravail a permis de maintenir le service public tout en protégeant les agent·e·s, des questions restent pour les personnels vacataires et la continuité de leur rémunération. Nous souhaitons qu’une solution puisse être trouvée rapidement. Cela concerne principalement le périscolaire mais aussi l’établissement public Paris Musées.

Il y a la nécessité de plus de protection des salariés en terme de droit du travail mais aussi de sécurité d’emploi et de formation à l’aune d’une crise économique inédite qui va plonger de nombreuses personnes dans le chômage et la pauvreté. Ce n’est malheureusement pas la musique que nous commençons à entendre du côté du gouvernement qui voudrait profiter de ce choc pour continuer de démanteler la protection sociale et le droit du travail.

Bien entendu cette crise doit également nous amener à revoir le budget de la ville, des recettes vont nous faire défaut (baisse conjoncturelle des DMTO, baisse des recettes liées à l’activité économique de certains secteurs, restauration, hôtellerie, mais aussi l’activité culturelle et sportive qui génère de nombreux emplois dans notre ville).

Par exemple pour le commerce, la restauration et l’hôtellerie, ne devons-nous pas envisager un moratoire sur les taxes et impôts locaux. Évidemment après avoir réalisé une étude des dossiers et avoir accordé une attention particulière aux PME et TPE afin de ne pas les traiter comme les grands groupes. Déjà de nombreux commerces annoncent qu’ils vont fermer.

Des dépenses imprévues ont déjà été engagées et c’est une très bonne chose, comme l’aide aux familles modestes touchées par l’arrêt de la restauration scolaire. Nous pensons que l’on aurait pu aller au-delà de l’échelon 3 du quotient familial et pousser jusqu’au 4, tenant compte de la cherté des biens de consommation dans notre ville. Nous vous proposons d’envisager l’aide suivante pour les quotients familiaux 1 et 2 : 150 euros par mois et 50 euros par enfant supplémentaire ; pour le quotient familial 3 : 100 euros par mois et 50 euros par enfant supplémentaire ; enfin pour le quotient familial 4 : 50 euros par mois et 50 euros par enfant supplémentaire.

Nous pourrions élargir le bénéfice de cette aide aux personnes à bas revenus, sans qu’il y ait forcément un lien avec les enfants.

Nous suggérons une aide de 50 ou 100 euros par mois pour permettre des achats alimentaires pour tous les bénéficiaires de minima sociaux (RSA, AAH, APA, AME). Il y a environ 60 000 allocataires du RSA à Paris, 20 000 de l’AAH, 30 000 de l’APA, et environ 10 000 bénéficiaires de l’AME.

Ce qui nécessiterait de mobiliser 6 millions d’euros pour une aide de 50 euros par personne et 12 millions d’euros pour une aide de 100 euros.

Je sais que vous avez avec votre adjoint Ian Brossat donné des instructions claires et précises pour que les difficultés de paiement des loyers soient prises en compte et accompagnées. Cela vaut bien sûr pour le logement social, mais il convient de trouver les moyens de contraindre les bailleurs privés à agir de même. L’abondement du Fonds de solidarité logement est une piste que nous devons envisager.

Nous devons aussi être attentifs au secteur de l’intermittence du spectacle et à celui de l’auto entreprenariat et ce en lien avec Pôle emploi et la DIRECCTE. Il convient que toutes les structures d’aides et les fonds spécifiques puissent être abondés par notre collectivité. Ces catégories sont très nombreuses sur notre territoire et leur situation peut vite être dramatique. Nous souhaitons que la ville soutienne, auprès de l’État, la demande des actrices et acteurs du monde culturel de prolonger de 12 mois les droits de l’assurance chômage des intermittents.

Nous devons demander à l’État de nous aider à la fois dans l’urgence mais aussi pour que les dotations augmentent et qu’elles permettent aux villes de relancer l’investissement afin que l’économie redémarre dès la fin de cet épisode. Nous pourrions porter ces revendications à l’occasion du débat sur le budget supplémentaire en juillet.

Nous pourrions demander comme cela avait été accordé en 2008 une multiplication par 4 du FCTVA et non par 2 comme à l’époque, cela amènerait 800 millions d’euros supplémentaires au budget de la ville.

Car les conséquences de la crise auront une répercussion encore plus importante qu’en 2008 sur la baisse des recettes de la ville. 

Nous sommes conscient·e·s, Madame la Maire, que notre contribution embrasse des sujets très vastes. Certains sont liés à l’actualité immédiate, d’autres sont à envisager à plus long terme.

Nos propositions viennent en appui du courrier que vous avez envoyé au Premier ministre et dont nous partageons la philosophie. Elles sont l’ossature de l’intervention que notre groupe fera au prochain Conseil.

Sachant pouvoir compter sur votre lecture attentive et dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire Madame la Maire en ma profonde considération.

Nicolas Bonnet Oulaldj, président du Groupe communiste - Front de gauche