Petite histoire des journalistes et réalisateurs communistes à la radio-télévision (6)

Années 80 : se met en place une instance de « contrôle » de la télévision, structure qui changera de nom au fil des ans pour devenir l’actuel CSA, organisme tarabiscoté aux pouvoirs limités.

En août 1982 est nommé parmi les membres de la Haute Autorité (HACA) le réalisateur communiste Daniel Karlin, auteur de plusieurs séries remarquées en collaboration avec le psychiatre Tony Lainé. Le PCF avait présenté l’écrivain André Stil et Daniel Karlin, seul ce dernier est accepté.


De manière générale, l’intégration des journalistes communistes à la radio-télévision s’avère plutôt difficile, même si la situation varie beaucoup d’un individu à l’autre (voir mon article « 1981 : des journalistes communistes à la radio-télévision » dans Les Cahiers d’Histoire n°82, 2001).


« Poursuivis par leur étiquette, note l’historien Jérôme Bourdon, les nouveaux venus n’ont pas la tâche facile. » Une manière de harcèlement les accompagne : comment peut-on être journaliste et communiste ? Leur répète-t-on. Mme Cotta, nouvelle responsable de la Deuxième chaîne, conseille aux nouveaux venus de s’effacer : « L’arrivée de journalistes communistes n’arrange pas nos affaires, même s’ils se comptent sur les doigts d’une seule main. Il faut dire que nous attendions d’eux qu’ils se fondent dans la tonalité générale de l’antenne. » La même, un an plus tard, promue à la tête de la HACA, s’agace de la singularité de Daniel Karlin, « le vilain petit canard qui ne s’amusait pas des mêmes jouets que nous et qui risquait à tout moment de faire s’effondrer nos châteaux de sable » !


Alors que l’opinion de gauche, communiste singulièrement, attendait beaucoup d’une « nouvelle télévision », rien ne change vraiment. D’où une tension entre le PCF et le PS dès le printemps 1982. Moins d’un an après l’arrivée de la gauche au pouvoir, il est significatif que le premier accroc entre ces deux partis concerne l’audiovisuel. Le PCF est insatisfait de la loi sur l’audiovisuel en préparation et parle de s’abstenir. Le ministre Fillioud, cité par l’historienne Agnès Chauveau, écrit dans une note à Mitterrand : « Il n’est pas sûr que l’abstention des communistes sur un texte de cette nature ne soit pas politiquement une bonne chose vis-à-vis de l’opinion. »


Pour l’historien Jérôme Bourdon, « la victoire de François Mitterrand fait naître d’immenses espérances chez beaucoup de professionnels de la télévision ». Ces espoirs seront vite déçus. L’encadrement change peu. La tutelle du pouvoir est moins affichée mais l’audiovisuel demeure le domaine réservé du chef de l’État. La « nouvelle » télévision ressemble finalement beaucoup à l’ancienne. Le divertissement écrase toujours la création. Seul changement notable et redoutable : l’explosion peu après du service public et l’entrée massive du privé. Arrivent à la tête de chaînes télévisées des hommes d’affaires, comme Berlusconi, Bouygues, avec leur logique financière. Nombre de réalisateurs vont alors constater qu’il était, souvent, plus facile de négocier avec la réaction gaulliste qu’avec ce genre de patrons. 


Gérad Streiff