Regard sur les budgets rectificatifs

La pandémie qui a paralysé le monde entier, son économie, sa vie sociale, culturelle, démocratique n’a pas fait bouger d’un iota les choix du gouvernement Macron/Philippe. Les promesses du nouveau monde n’ont pas fait illusion et, très vite, chacune et chacun a pu se rendre compte que le pouvoir actuel n’est que la nouvelle enveloppe du vieux monde libéral où l’argent et les premiers de cordée font la loi. Dans les lois de finances rectificatives votées au Parlement en mars et en avril derniers, les fondamentaux libéraux sont bien en place.

Nous portons systématiquement des propositions alternatives

Le gouvernement a fait le choix, d’emblée, de ne pas toucher à la fiscalité installée dès le début du quinquennat. Rappelons-en ici les éléments les plus saillants, les cadeaux aux plus fortunés de ce pays, la suppression de l’ISF (qui rapportait plus de 5 milliards d’euros par an), le plafonnement de la taxation des dividendes à 30 %, un taux unique, plus de progressivité, le fameux PFU (prélèvement forfaitaire unique). Pour les autres, souvenez-vous, hausse de la CSG pour les retraités, baisse des APL…, le ton était donné. Comment s’étonner dès lors que la pauvreté augmente dans notre pays avec 14 % de personnes vivant sous le seuil de pauvreté et, là encore, la pandémie a encore aggravé les inégalités.

À chaque débat budgétaire, que cela soit en loi de finances initiale en fin d’année ou à l’occasion des débats sur les lois de finances rectificatives, les parlementaires communistes portent systématiquement des propositions alternatives. Quand le gouvernement refuse de toucher à la fiscalité, nous proposons de faire contribuer davantage les grosses fortunes et les gros patrimoines. Pourquoi ? Par dogmatisme, par idéologie ?

Examinons les faits, du côté des revenus d’abord. Si l’on considère les revenus des Français en 2017, voilà la situation : il y a en France 38 millions de foyers fiscaux, 37,5 millions de foyers ont un revenu inférieur à 100 000 euros par an, au-delà de 9 millions d’euros de revenus annuels ils sont 218 foyers fiscaux.

Une fiscalité progressive qui doit solliciter les plus riches

Nous proposons systématiquement de rétablir l’ISF pour les patrimoines supérieurs à 1,3 million, nous proposons une fiscalité progressive sur les dividendes. Rappelons à ce stade, que l’an dernier la France a été le distributeur le plus généreux en termes de dividendes distribués aux actionnaires !

Nous proposons aussi d’augmenter le nombre de tranches d’imposition aujourd’hui au nombre de 5 (il y en avait 14 dans les années 80), le taux maximum est à 45 %, nous proposons d’ajouter des tranches au sommet de la pyramide pour atteindre 60 %, voire plus pour les très hauts revenus. S’agissant du patrimoine, les inégalités sont également abyssales. Selon l’INSEE, 10 % des ménages français détiennent la moitié du patrimoine. Plus personne ne peut nier l’aggravation des inégalités. Un projet de loi de finances rectificative ambitieux se doit de solliciter les plus riches.

D’autres mesures sont portées par nos groupes parlementaires, sur la TVA notamment qui est la première ressource fiscale de la République, près de 50 % des recettes fiscales, l’impôt le plus injuste qui soit. Nous proposons de créer un taux de TVA à 30 % sur les produits de luxe - une activité d’ailleurs qui continue de bien se porter en France et dans le monde -, une mesure qui permettrait d’alléger la TVA sur les produits de première nécessité. Là, pour justifier son refus, le gouvernement et la majorité sénatoriale se réfugient derrière les règlements européens. Soit, eh bien changeons-les !

Un nécessaire débat sur la souveraineté financière et monétaire

Le choix de nos gouvernants est donc de financer par la dette ; notre pays va ainsi contribuer à nourrir les marchés financiers mondiaux pour financer toutes ces mesures (ces marchés sont les banques, les assurances, les fonds d’investissement). Dans les 2 415 milliards de dettes de la France, combien de centaines de milliards d’euros leur ont été versés en intérêts depuis des décennies ? Il faudra, à un moment donné, que ce débat sur la souveraineté financière et monétaire de la France s’engage dans ce contexte.

Enfin, il y a ce combat inlassable à mener contre le scandale de l’évasion fiscale des grands groupes qui nourrit aussi notre dette depuis longtemps. C’est un combat que nous ne cesserons de mener.

Chaque débat budgétaire est donc un moment particulier pour mener le débat politique de fond. C’est ce que nous devons faire les uns et les autres, nous au Parlement, et nous tous dans le pays avec nos concitoyen·ne·s.

Éric Bocquet, sénateur du Nord.