Restituer à l’Afrique les œuvres d'art, pour la justice et la culture de paix

Dans son discours du 28 novembre 2017 à l'Université de Ouagadougou (Burkina Faso), le Président de la République française avait déclaré ne pas accepter « qu'une large part du patrimoine culturel de plusieurs pays africains soit en France ». Il précisait qu’il y a « des explications historiques à cela mais il n'y a pas de justification valable, durable et inconditionnelle. Le patrimoine africain ne peut pas être uniquement dans des musées européens (...). Je veux que d'ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives. »

Des paroles fortes étaient prononcées, un tabou était ainsi levé.

Un rapport a été commandé à deux professeurs, l'un en art et l'autre en économie. Les chercheurs mettaient en exergue le fait que des centaines de milliers d'objets étaient détenus en Occident, dont 88 000 dans les collections publiques françaises auxquelles il faudrait ajouter des milliers d'autres détenus dans des collections privées.

Le rapport souligne le vol en l'absence de consentement des populations locales lors de l'extraction de ces objets et dont les acquisitions ont été obtenues par la violence, la ruse et dans des conditions iniques principalement dans la période de la colonisation. Mais nous pouvons constater que ce pillage se poursuit à travers les guerres, comme en Syrie, Afghanistan, Irak ou Yémen. La misère pousse parfois des familles à se séparer d'objets d'art d'une grande valeur vendus à des trafiquants pour une bouchée de pain et qui se retrouvent bien souvent dans des collections privées.

Après ces déclarations et la diffusion du rapport, les marchands sont violemment montés au créneau comme les antiquaires de Saint-Germain-des-Prés et même d'anciens présidents de musées français, allant jusqu'à insinuer que « 99 % des objets qui se trouvent en Europe auraient presque tous disparus, victimes de l'ignorance, des termites, des autodafés des religions de tout bord ».

Cette attitude avait déjà trouvé en 2002 une expression avec l'opposition à la ratification par la France d'une convention visant à lutter contre le trafic illicite. Les kystes mentaux du colonialisme français sont encore bien présents.

Ce patrimoine volé doit redevenir propriété des pays africains concernés, comme pour le Bénin. À chaque demande doit s'établir un projet de loi afin de lever tous les obstacles juridiques et permettre que cette restitution ne soit pas accaparée par quelque intérêt particulier que ce soit. Il est à noter d’ailleurs que les chefs d'État africains se sont ainsi engagés à promouvoir les arts, la culture et le patrimoine lors du 33e sommet de l'Union africaine à Addis-Abeba. Les chefs d'État y ont proposé le « renforcement des échanges intercommunautaires et interculturels sur le continent », comme sur le plan mondial. Ces restitutions doivent s’inscrire dans le plan d'action élaboré à ce sujet par l’UA. Dans ce cadre, un suivi par l'Unesco serait une garantie supplémentaire.

Ensuite, comme le mentionne le rapport : « Il ne s'agit pas de vider les musées français mais de le faire avec l'accord des États concernés ». La présence des œuvres d'art pendant un certain temps dans ces musées permet de mieux faire connaître l'histoire de l'Afrique et apporte la preuve que celle-ci est entrée depuis bien longtemps dans l'histoire de l'humanité. Il s'agit d'engager des coopérations afin de construire ou rénover les lieux permettant l'exposition de ces œuvres d'art et d'aider à la formation des personnels compétents si cela s'avère nécessaire. À l'heure du numérique où tout le monde se parle et voit tout le monde, des expositions virtuelles pourraient être également réalisées.

La restitution des œuvres d'art fait et va faire l'objet d’âpres batailles politiques. Le Parti communiste français se place résolument du côté des peuples qui réclament leurs biens, afin que ce patrimoine soit accessible aux jeunes générations africaines pour qu'elles puissent se ressourcer, s'inspirer et se référer à la créativité des générations précédentes.

Cette restitution pourrait favoriser un tourisme intelligent, éthique, aidant au développement d'une économie inclusive.

Restituer les œuvres d'art, c'est contribuer à la justice et à la culture de paix. Cette action symbolique et concrète ne doit pas servir de simple paravent d’une politique qui ne changerait pas. Elle doit devenir le socle d’un changement de paradigme qui se fait encore attendre dans nos relations avec les peuples et les pays africains.

Daniel Feurtet

Collectif Afrique du PCF