Retraites – Pour une réforme digne des « jours heureux »

Le 10 juin dernier, lors d’une conférence de presse sur la question des retraites, Fabien Roussel a proposé de rétablir l’âge de départ à 60 ans ; cette proposition de réforme est possible, a-t-il montré, en taxant les revenus financiers et en s’attaquant au problème du chômage.

Quelques premières remarques sur cet enjeu qui va occuper une large place dans le débat de la campagne de la présidentielle. Nous reviendrons sur la question du financement de cette réforme.

Le gouvernement rejoue la petite musique, ou plutôt la fanfare désormais, d’une réforme absolument indispensable et qui n’aurait d’autre issue que d’augmenter l’âge de départ à la retraite des Français, et donc, très concrètement, faire travailler plus longtemps.

L’approche du gouvernement est exclusivement budgétaire et financière : le système de retraite est déficitaire, d’environ 18 milliards d’euros par an, et ne serait pas à l’équilibre avant le milieu des années 2030. On se souvient notamment d’une étude de l’Institut Montaigne, à l’hiver 2020, qui glosait sur le caractère structurellement déficitaire et dangereux du système actuel de retraites, repris par les toutes les figures du gouvernement et de LREM.

1. L’impératif budgétaire est à nuancer

Il y a un véritable matraquage politique et patronal sur le déséquilibre de notre système de retraites. Or, dès 2020, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) nuançait : le système de retraites n’est pas menacé, et le déficit serait de l’ordre de 0,3 % du PIB maximum à l’horizon 2025. C’est un niveau qui n’a rien d’alarmant.

Les dernières études du COR vont plus loin : Les dépenses de retraites ont été revues à la baisse. Les pensions représentaient 14 % du PIB avant la crise, les études indiquent qu’elles sont aujourd’hui autour de 13,7 %. La nuance (- 0,3) est importante, d’autant que les trajectoires indiquent que la part des retraites dans le PIB continuera de baisser dans les années à venir.

Trois facteurs font diminuer la dépense, et donc le déficit :

  • La surmortalité liée au Covid : 2020 a connu un pic de décès (+9 %), diminuant mécaniquement le nombre de pensions versées. Cela a un impact direct sur l’espérance de vie : l’espérance de vie à 60 ans a baissé en 2020, de 8 mois pour les hommes, de 6 mois pour les femmes.
  • L’espérance de vie à moyen terme, au-delà même des effets du Covid : le scénario a été revu par l’INSEE au regard des évolutions démographiques depuis 2014. L’augmentation de l’espérance de vie est moindre que prévue.
  • Les perspectives de croissance du PIB ont été revues à la hausse pour 2022 (+4 %), 2023 (+2,3 %) et 2024 (+1,6 %).

2. Repousser l’âge de la retraite est un crime social

Contrairement à un argument rabâché partout : on ne vit pas plus longtemps en bonne santé. L’âge de 64 ans est particulièrement pervers : il est au-delà de l’espérance de vie en bonne santé pour les hommes (62 ans ; pour les femmes c’est 64 ans).

Et les inégalités sociales sont immenses : il y a 10 ans d’écart d’espérance de vie en bonne santé entre un ouvrier (59 ans) et un cadre (69 ans). Quel est le message du gouvernement vis-à-vis des ouvriers ? Vous ne toucherez pas votre retraite, et vous mourrez au boulot.

Certains se voudraient optimistes. Les faits sont pourtant inquiétants en matière d’espérance de vie : en 2015, pour la première fois depuis 40 ans, l’espérance de vie en bonne santé a baissé. Sur les quinze dernières années, elle stagne. L’argument de dire « on vit plus longtemps donc on travaille plus longtemps » est profondément malhonnête. La crise du Covid a encore dégradé les chiffres de l’espérance de vie : il semble encore moins opportun de s’attaquer à ce sujet.

Tout n’est pas parfait dans notre système de retraites, mais le modèle par répartition a une vertu, qui n’a certes aucune valeur chez Macron et les financiers qui l’entourent, mais qui est importante : nous avons en France le taux de pauvreté parmi les retraités le plus faible d’Europe.

On compte ainsi 8 % de retraités pauvres en France : c’est déjà trop, assurément. Un point de comparaison : en Suède, qui applique un système de retraites par points, il est plus de deux fois supérieur (16 %). Et il n’a fait qu’augmenter depuis 2001 et l’instauration du régime par points.

3. Reporter l’âge de la retraite ou augmenter la durée du chômage ?

Enfin, il faut rappeler la réalité de ce qu’est le monde du travail pour les personnes concernées : le chômage généralisé pour les seniors.

Le chômage des seniors explose dans notre pays : en 10 ans, c’est + 180 %. Au-dessus de 50 ans, on compte un million de chômeurs.

Plus inquiétant encore : seulement 32 % des actifs de plus de 60 ans ont un emploi, c’est nettement moins que la moyenne européenne (46 %). La France est à la remorque en Europe, avec la Grèce ou la Roumanie.

Ce n’est pas l’âge de départ en retraite que l’on repousse, c’est la durée du chômage qu’on augmente.