Un genou à terre : justice pour George Floyd

Le 25 mai dernier, après avoir indiqué à 16 reprises qu’il ne pouvait plus respirer, George Floyd est mort asphyxié. Son décès, après 9 minutes d’agonie, a été provoqué par l’officier Derek Chauvin qui a délibérément refusé de retirer son genou du cou de ce dernier, provoquant un arrêt cardiaque.

Cet homicide volontaire, puisque c’est à présent l’incrimination retenue par le procureur général de Minneapolis, a provoqué une immense vague de colère et de mobilisation à travers tous les États-Unis, mais également dans le monde entier. Le mouvement de protestation a largement dépassé l’Amérique : à Dublin, Paris, Montréal… des milliers de manifestants se lèvent pour dénoncer les violences policières, le racisme et les inégalités sociales.

Le haut-commissaire des Droits de l’homme de l’ONU a condamné le racisme structurel des USA, ainsi que l’agression sans précédent des journalistes qui couvraient ce vaste mouvement de colère contre le racisme et les violences policières.

Ce puissant mouvement populaire s’inscrit dans le prolongement des mobilisations historiques qui, après quatre siècles d’esclavage et d’exclusion, se montre fatigué par tant d’abus et d’impunités à l’encontre des Afro-Américains. Il s’agit d’un mouvement multiracial, même si en son centre on trouve l’organisation Black Lives Matter.

Ainsi, au sein même des forces de l’ordre, on a vu des policiers américains, mais aussi le chef de la police de Houston et de New-York, mettre un genou à terre pour symboliser leur refus de la haine, mais également pour demander pardon à leurs compatriotes noirs.

Cette mobilisation, intervient à quelques mois des élections américaines et dans un contexte de grave crise sociale, avec 40 millions de chômeurs et un virus qui, comme en France, a frappé prioritairement les plus précaires et les quartiers défavorisés.

Trump a refusé tout apaisement et a voulu inciter à tirer sur les pilleurs, puis a envisagé de déployer l’armée, promettant des milliers de soldats lourdement armés lors de son discours du 1er mai devant la Maison Blanche, une bible à la main, cherchant à tirer profit électoralement de la situation.

De son côté, le parti communiste américain a dénoncé un meurtre qui constitue un acte de terreur et de lâcheté policière, démontrant le mépris total des droits de l’homme et des populations travailleuses des USA. Première victoire de cette mobilisation, le Minnesota a annoncé une enquête sur la police et les possibles pratiques discriminatoires systématiques.

En effet, comme en France où ont eu lieu des importantes manifestations de soutien à George Floyd, mais également celles qui dénoncent les violences policières et les comportements discriminatoires systématiques à l’encontre d’une partie de la population, notamment dans les quartiers, ces rassemblements témoignent d’une terrible soif d’égalité, respect et de justice. Ainsi le collectif Justice pour Adama Traoré, jeune homme noir de 24 ans mort en 2016 après une interpellation violente, a lancé un appel pour réclamer justice. Les manifestants ont été nombreux à travers le pays à répondre à cet appel, faisant écho aux rassemblements à la mémoire de George Floyd.

Si pour la mort d’Adama une instruction a été ouverte, les juges d’instruction, qui se devraient d’être totalement indépendants, ont décidé d’auditionner de nouveaux témoins, 4 ans après les faits, après des expertises de la famille contredisant les expertises judiciaires.

En tout état de cause, ce décès et ces violences policières, après de nombreux autres cas similaires, après les nombreux blessés graves lors des manifestations des gilets jaunes (éborgnés, mains arrachées…), après les contrôles au faciès, les vérifications d’autorisations de déplacements très ciblés lors du confinement, suscitent un très vif débat au sein de la nation concernant le comportement de notre police.

Il n’est pas encore possible de savoir comment ces mouvements vont évoluer, ni sur quoi ils vont déboucher, mais personne dans le monde, en 2020, ne doit tolérer l’absence de condamnations et l’impunité de comportements (notamment lorsqu’elle émane de policiers qui sont censés appliquer et respecter la loi républicaine au service de tous), contraires aux droits et libertés fondamentales.

Cette exigence de justice, de respect et de dignité se traduit symboliquement, à travers le monde entier, par un genou à terre qui devra devenir le signe universel du combat contre le racisme et les violences policières.

Annie Cyferman, avocate, Nancy, membre du CEN.