Échos d’un stage de base dans le Cantal

Publié le 25 octobre 2023

Nous étions cinq jeunes communistes de tous âges et de toutes conditions. Nous avions en commun l’envie d’en savoir plus sur le parti auquel nous venions d’adhérer.

Ils étaient cinq ; historien, journaliste, économiste, scientifique ou élu et parfois tout cela en même temps. Ils avaient en commun le besoin de transmettre, d’expliquer comment nous avons changé le monde et comment nous allons continuer à le révolutionner.

Le programme était chargé et, je l’avoue, sur le papier, un peu indigeste. Le stage dit « de base » avait pour ambition de nous parler en une douzaine d’heures, sur deux jours, de philosophie, d’histoire, d’économie, des rapports femmes/hommes, d’écologie... Rien que ça.

Début des réjouissances : Comment vulgariser Marx et Engels ? Bon courage camarades. Même si certains d’entre nous avions déjà essayé de lire le grand Karl, la leçon de Serge Ressiguier fut d’une limpidité stupéfiante, bien aidé par une faconde toute montpelliéraine. Allez, les copines et les copains, on relit le Capital avec les mots de l’historien dans un coin de la tête, je suis sûr que cela va tout changer !

8 heures du mat’, j’ai des frissons, je viens de googleliser le nom du prochain intervenant : Gérard Streiff. Je me rends compte que le gars avec qui j’ai partagé une pizza en parlant rugby la veille au soir était simplement docteur en sciences politiques, auteur d’une trentaine de bouquins, d’essais politiques, de romans policiers et autres biographies, également ancien correspondant de l’Huma à Moscou, et j’en oublie ! En gros, un intellectuel de très haut niveau. Une heure et demie durant, l’ami Gérard nous égrène l’apport immense du PCF dans la société française. Puis à notre tour, nous lui exposons nos soucis de militants communistes, comment nous sommes sans cesse interpellés sur les erreurs du passé : pacte germano-soviétique, Budapest, Prague, le stalinisme, l’Afghanistan, l’échec du Programme commun etc., etc. Il n’élude aucune question, répond point par point et se soumet même à une autocritique sur certains articles qu’il avait pu écrire à l’époque. Impressionnant.

À peine le temps de refermer la bouche que c’est la copine Shirley Wirden, que nous avions déjà croisée à la dernière fête du COP, qui vient nous présenter le dispositif Stop violences, du PCF. L’adjointe à la mairie de Paris et responsable nationale de la commission du Parti « Droits des femmes » nous en remet une couche sur la nécessaire révolution des rapports hommes-femmes, ce qui, en tant que mâle blanc de plus de cinquante ans, n’est pas superflu.

Entre-temps, un grand monsieur et sa dame arrivent à la fédé. « Oh, mais c’est le bout du monde chez vous ! » Il faut dire que le sympathique octogénaire venait de faire la route depuis Aix-en-Provence. Nous l’embarquons au Terminus pour la pause déjeuner avec Kévin, petites lunettes, petite malette, petite chemise et petite trentaine qui vient lui-même d’arriver par le train. Je me retrouve en face du grand monsieur et nous nous rendons compte que nous avons grandi dans la même ville. Nous nous découvrons quelques passions communes pour l’art pariétal, la Provence, l’OM et de la chose politique. À l’autre bout de la table, le discret Kévin échange avec d’autres camarades. Je n’entends rien mais je me rends compte que depuis qu’il est arrivé le garçon n’a pas enlevé un sourire radieux de son visage. Paris Aurillac aller-retour en train dans la journée, 3 heures de présence sur place pour 14 heures de trajet n’ont pas l’air d’avoir entamé sa bonne humeur communicative.

Justement, c’est par Kévin Guillas-Cavan, économiste, chercheur à l’Institut de recherche économique, auteur de nombreuses publications, dont rien que les intitulés peuvent donner la migraine, que nous reprenons les hostilités.

Thème de l’intervention : Capitalisme / crise / dépassement. Et là, quand il parle de - je cite – « ces salopards de capitalistes », Kévin ne sourit plus. Avec moult graphiques et démonstrations économiques implacables, le jeune chercheur déroule des évidences qui, quand on ne nous les explique pas, ne sont pas évidentes.

Juste le temps d’enfourner un morceau de Saint-Nectaire offert par la fédé dans son sac à dos et le camarade repart à la gare, retour au bercail.

Last but not least : Luc Foulquier 83 piges (il en fait 15 de moins), encore un CV long comme trois bras, un des premiers diplômés en écologie de France (début des années soixante) puis une carrière de chercheur au CEA qui l’emmènera au quatre coins du globe, de Tchernobyl à la Hague, inspirateur et contributeur de tous les programmes écologiques communistes depuis les années 70, et accessoirement membre de la commission d’enrichissement de la langue de l’Académie française en charge du préfixe Eco (ça ne s’invente pas).

Une chose parmi mille autres est à retenir de son topo : l’écologie est un sujet trop sérieux pour le laisser aux seuls écologistes.

Le stage se termine et personne n’a vraiment envie de se quitter, nous nous sentons un peu moins cons que la veille et surtout une envie d’approfondir, de lutter, de convaincre.

À quel autre endroit un ouvrier comme moi, vivant dans le Cantal, a l’occasion de discuter, d’être écouté et peut-être même entendu par des intellectuels, des savants et autres penseurs passionnés ? Nulle part.

J’ai pris ma carte au PCF car, comme beaucoup, je souffrais de la désillusion qui montait en moi. Cette idée mortifère que tout était fichu, éclaté, désespérant.

Je me suis encarté plus pour l’idée du communisme que pour le communisme lui-même, un peu comme si j’allais voir un psy et je trouvais cela déjà génial. Ce matin, je me réveille avec l’idée que le communisme n’est pas un doux rêve qui fait du bien. Ce matin je me réveille en pensant que le communisme est concret, raisonnable et, je l’espère, inéluctable.

Merci aux copains intervenants par ordre d’apparition : Serge Ressiguier, Gérard Streiff, Shirley Wirden, Kevin Guillas-Cavan, Luc Foulquier et Madame.

Merci aux coco-stagiaires, particulièrement Carole qui a organisé ce merveilleux bordel.

Antoine Ruis