« Cuba n’est pas au bord de l’effondrement » – Ernesto Gonzalez, représentant de l’ambassade de Cuba

Publié le 14 février 2024

Troisième secrétaire aux Affaires politiques à l’ambassade de Cuba, Ernesto Gonzalez a pris son poste à Paris fin janvier. Ce 11 février, il était dans le Nord pour assister à l’assemblée générale de l’association France-Cuba Lille Métropole.

Vous viviez encore à Havane il y a trois semaines. Comment décririez la situation de votre pays ?

Ernesto Gonzalez : L’économie cubaine a beaucoup souffert de la pandémie de Covid-19. Heureusement que Cuba a créé son propre vaccin. Mais le durcissement de l’embargo étatsunien et les mesures coercitives du gouvernement Trump à partir de 2019 ont énormément contribué à aggraver la situation. Et le président Biden n’a rien fait contre l’embargo. Avant la pandémie, le secteur touristique comptait plus de 4 millions de touristes. Nous n’avons pas encore retrouvé ce niveau.* Cuba vit également une situation de pénurie des produits importés. Il y a aussi une pénurie de médicaments. L’inflation est très forte. Les familles cubaines souffrent de tout cela, sans compter le prix des carburants. Pourtant, la majorité du peuple demeure confiante envers le gouvernement et la révolution. Il y a une vie culturelle, les enfants vont à l’école. Nous restons optimistes et nous ne sommes pas au bord de l’effondrement.

Précisément, à Cuba le prix des carburants était l’un des moins élevés au monde. Or, il vient d’augmenter de 500 % depuis le 1er février, passant de 25 pesos le litre d’essence ordinaire à 132 pesos. Pourquoi cette décision du gouvernement ?

H.G. : Le prix des carburants était subventionné. Mais le durcissement de l’embargo américain ne permet pas de poursuivre cette politique. Il a fallu supprimer une partie des aides de l’État pour acheter du carburant. C’est vrai que ce n’est pas facile pour le peuple cubain. Mais cela concerne aussi tous les grands secteurs de l’économie. Les carburants sont nécessaires pour faire tourner les centrales énergétiques, pour le secteur de la santé, qui a besoin des transports, pour la production agricole, pour les transports en commun et pour les transports en général. Et là encore, l’embargo américain est en cause. Un pétrolier qui touche un port cubain est interdit de toucher un port des USA pendant 880 jours. Vous comprenez les conséquences pour les compagnies...

La suppression du peso cubain convertible (le CUC), en 2021, n’a-t-elle pas aggravé l’inflation ?

E.G. : Le sujet des deux monnaies et de la suppression du CUC est difficile. On a parlé de mauvais timing. Mais le pays manque de liquidités et de devises. Si nous n’avons pas de revenus, nous ne pouvons entretenir notre système de santé, notre éducation, etc. Le blocus empêche les investissements étrangers. Et puis, il ne faut pas oublier qu’une semaine avant de partir, le président Trump a replacé notre pays sur la liste des États terroristes. Cela a éloigné de nombreuses institutions bancaires étrangères et de nombreux investisseurs.

Que pensez-vous du soutien des associations comme France-Cuba, ou des groupes d’amitié ?

E.G. : Il est plus que jamais nécessaire. Toutes les aides nous sont utiles, qu’elles soient matérielles ou morales. C’est vrai par exemple pour la soirée de soutien qui sera organisée à Lille, le 2 mars, par les communistes du Nord, le comité Lille Métropole de France-Cuba et d’autres organisations. Charge à nous, à l’ambassade, de communiquer davantage avec les associations qui nous soutiennent.

Recueilli par Philippe Allienne

* En 2022, selon le Bureau national de la statistique et de l’information (ONEI), le secteur du tourisme a enregistré 1,6 million de visiteurs. Toujours selon les chiffres de l’ONEI, ils étaient 4,3 millions en 2019, 356 000 en 2021 et 1,1 million en 2020.

Article publié dans CommunisteS, n°983, 14 février 2024.