Hommage à Jean-Charles Nègre : "Je n’ai pas eu assez de temps pour partager  avec toi toute ton histoire et tous tes combats" (Fabien Roussel)

Jean-Charles nous rassemble ici, encore une fois, dans cette ville de Montreuil qu'il aimait tant et dont les habitants, Patrice vient de nous le rappeler, lui ont toujours témoigné une grande affection et une fidélité sans faille.

Jean-Charles faisait partie de ces élus qui ne comptent jamais leur temps, dont l'engagement au service de l'intérêt général constitue la boussole de toute une vie.

Ce dévouement de chaque instant, il l'a mis au service de sa ville, de son département mais aussi de son parti, de l’idéal communiste qu'il n'a jamais cessé de défendre, depuis son adhésion en 1967.

On ne bâtit pas une maison sans de solides fondations. La nôtre fête cette année ses cent ans d'existence et elle tient toujours debout, malgré les tempêtes qui ont jalonné son histoire.

Cette résistance à toutes les épreuves, elle la doit à ces piliers, ces hommes et ses femmes, devenu dirigeant nationaux, comme Jean-Charles, qui l'ont soutenue contre vents et marées, au fil d'une histoire captivante.

Jean-Charles, par son envergure exceptionnelle, fut l'un de ces piliers. Il prend aujourd'hui toute sa place aux côtés des grandes figures de notre parti, qu'il a côtoyées, aidées, inspirées, dans des relations de confiance, de chaleur et d'amitié qui rendent sa disparition si douloureuse.

Jean-Charles était mon ami, mon camarade, un homme de précieux conseils dont j'ai pu apprécier la sagesse, la chaleur et l'intelligence durant ces années que nous avons passées ensemble, au sein des instances de notre parti.

Lors du dernier congrès, en novembre 2018, quand je suis élu secrétaire national du Parti, Jean-Charles est naturellement présent au sein de la nouvelle direction. Personne n’a contesté sa présence. Il y a peu de dirigeants du parti incontournable quelles que soient les équipes en place. Jean-Charles fait partie de ceux-là.  

Cela est certainement dû à son franc-parler, à ses conseils, à ses liens tissés tout au long de ses années avec des responsables politiques, des acteurs économiques, des préfets et tant d’autres.

Quels qu’aient étés ses interlocuteurs, il a toujours placé l’intérêt des habitants et la défense des valeurs républicaines au-dessus de tout.

Les innombrables rencontres qu’il a eues avec nos camarades, héros de la Résistance, ont forgé chez Jean-Charles des convictions solides mais aussi une ouverture d’esprit très grande, lui permettant de travailler avec tout le monde, quelles que soient les opinions politiques. C’est, là aussi, un des fondements de notre parti, très républicain.

Jean-Charles était également  omniprésent.

Je l’ai vu, dans la même journée, discuter avec le préfet pour un dossier local à Montreuil, comme la gestion des résidents de l’ancien foyer de travailleurs migrants, le foyer Bara de mémoire, dont il me parlait souvent, logés à l’AFPA.

Puis défendre le journal l’Humanité auprès du cabinet du Premier ministre, et enfin piloter une action de solidarité avec le Vietnam ou Cuba en fin de journée. Entre deux, il était présent dans nos réunions de direction, place du Colonel-Fabien.

Il était fier de ses nombreux combats gagnés tout au long de sa vie de militant, mis au service des autres. D’autres après moi en parleront.

Il a ainsi guidé tous les secrétaires nationaux qui, depuis Georges Marchais, ont eu la chance de travailler avec lui. Avec Marie-George, et avec Pierre qui vous le dira dans quelques instants, nous sommes effondrés par cette disparition brutale et injuste, au cœur d'une pandémie qui ébranle notre pays depuis des mois.

Aussi, je voudrais, au nom de tous les communistes, exprimer toute ma peine et toute mon amitié à sa famille.

Je me suis, comme beaucoup d'autres, plongé dans le livre d'or ouvert par la ville de Montreuil. J'y ai trouvé une immense reconnaissance, des anecdotes, des moments de vie qui dessinent le portrait d'un homme honnête, chaleureux, jovial.

Impossible, bien sûr, de citer tous ces messages.

Mais beaucoup, presque tous à la vérité, parmi ceux qui l'ont connu, soulignent l'extrême bonté de Jean-Charles. « Pour moi, Jean-Charles, c'était d'abord un sourire », écrit l'un d'eux. « Un sourire comme celui d'un enfant, un peu timide, un peu gêné, accompagné d'un plissement de yeux derrière ses lunettes trop épaisses. Un sourire figé, qui donnait envie de l'accompagner. » Voilà ce que beaucoup retiennent en premier d'un homme dont la force, la bienveillance, la joie de vivre, le calme et la détermination emportaient si souvent l'adhésion.

Ces qualités, cette faconde, il les devait en partie à ses origines méditerranéennes. Jean-Charles était resté niçois dans l'âme, « rayonnant comme le soleil du midi », selon un autre témoignage et comme je peux moi-même en témoigner. Il était capable aussi de donner la composition exacte de l'aïoli, avec laquelle il ne fallait pas trop plaisanter !

Jean-Charles était une belle personne. Un grand homme.

Il a étudié d’ailleurs au lycée Masséna de Nice, qui n’est pas un lycée anodin. Puisque des personnalités ont également fréquenté cet établissement tels Guillaume Apollinaire, Romain Gary, Joseph Kessel, et tant d'autres élèves de talent, dont Henri Proglio que je salue ici.

C’est là que Jean-Charles s'est engagé pour la première fois à la Jeunesse communiste. Il en devient rapidement le responsable pour les Alpes-Maritimes puis l'un de ses dirigeants nationaux, au sein du comité de l’organisation.

A cette époque, au début des années 70, Jean-Charles a déjà les yeux grand ouverts sur le monde. L'actualité internationale l'intéresse tout autant qu'elle le préoccupe.

Elle restera l'un des fils conducteurs d'une vie militante rythmée par la profondeur de ses analyses géopolitiques et par le goût des relations diplomatiques. Des qualités qui lui vaudront d'être nommé, en 1974, secrétaire général de la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique. Il est alors basé à Budapest. Durant ces quatre années particulièrement enrichissantes, il prend la mesure des aspirations d'une jeunesse bouillonnante. Il préside aussi, en 1978, aux destinées d'un mémorable festival de la jeunesse, à Cuba...

Au tournant des années 80, il rejoint logiquement le département de politique extérieure du Parti communiste, au sein duquel il s'occupera plus particulièrement de l'Amérique latine. C’est là qu’il devient, durant ces années-là, un ami très fidèle du Vietnam, où il se rend régulièrement pour de nombreuses opérations de solidarité.

Jean-Charles, dans ses différentes fonctions, savait faire preuve d'ouverture en toute occasion. Comme l'a écrit un ancien journaliste du Figaro pour lui rendre hommage, je le cite : « ses convictions étaient profondes, mais elles étaient hors de tout dogmatisme. Il était ce que la politique produit de meilleur. »

Notre parti peut s'enorgueillir d'avoir bénéficié de telles qualités. Jean-Charles a d'ailleurs occupé de nombreuses responsabilités nationales, dont celle de coordinateur du pôle moyens du Parti qu'il occupait encore au moment de sa disparition. Même dans les moments difficiles, il s'employait à nous garantir les capacités d'une action indépendante, à la mesure de nos ambitions. Pour cela aussi, nous lui devons une immense reconnaissance.

Il était un point d'ancrage fort de notre parti, l'un de ces hommes précieux qui laissent une trace indélébile de leur passage. Et le vide qu'il laisse est à la mesure de sa personnalité : immense. 

Comme l'écrit si justement l'un de ses amis de Saint-Laurent-du-Var,  « Jour après jour, s'accroît le nombre de celles et ceux qui s'aperçoivent avoir perdu, en même temps que cette intelligence discrète et débordante, une connaissance ou un ami qui les mettait en commun avec tant d'autres personnes. Le monde a besoin de ces incroyables carrefours d'humanité que sont des êtres aussi rares et précieux que l'était Jean-Charles. »

Jean-Charles,

Je n’ai pas eu assez de temps pour partager  avec toi toute ton histoire et tous tes combats.

Nous avons eu à traiter, en quelques mois passés ensemble depuis le dernier congrès, quelques dossiers épineux et nous avons été toujours d’accord sur la manière de faire.

Je te faisais entièrement confiance.

Ton expérience faisait que tu prenais beaucoup de hauteur. Cela manque aujourd’hui.

Je me souviendrai aussi toujours de notre dernier voyage au Vietnam et en Chine. Nous eu l’occasion de beaucoup parler lors de nos déplacements en voiture. Ce furent de rares moments d’intimité. Où tu m’a raconté ta rencontre avec ta femme, Kathia, l’amour pour tes filles, Camille et Jeanne et l’importance que tu leur accordais.

Où j’ai mesuré aussi ton attachement à cette ville, à vous, aux Montreuillois et à la fierté que tu avais d’avoir contribué à faire élire Patrice. 

J’aurais tant aimé pouvoir te dire au revoir, t’enlacer, te saluer une dernière fois. Tu es parti trop vite. Tellement vite.

Tu vas nous manquer beaucoup. Tu me manques beaucoup.

Au revoir mon camarade, mon ami.