Au 4e congrès du HDP à Ankara, le mouvement pro-kurde décide de changer de nom pour s’appeler HEDEP

Publié le 25 octobre 2023

Dans CommunisteS n°951, la délégation qui s’était rendue à Kars pour les élections rendait compte de l’immense déception après les résultats électoraux qui avaient remis au pouvoir Erdogan. C’est l’analyse par le HDP de cet échec qui le conduit aujourd’hui à changer de nom.

En effet, sous la menace de son interdiction, l’ensemble des candidat·e·s du HDP s’est présenté à l’élection législative sous la bannière du Yesil Sol parti, créant de la confusion pour leurs électeurs et leur faisant perdre des voix.

La salle du congrès est pleine à craquer, 50 délégué·e·s du monde entier sont présents. On entend dans le stade de nombreux slogans pour les prisonniers politiques, mais sous l’enthousiasme la déconvenue des élections est encore vive.

Beaucoup de débats autour de l’analyse de cette séquence électorale, pourquoi avoir choisi de ne pas présenter de candidat à la présidentielle, qui plus est pour soutenir Kemal Kılıçdaroğlu le candidat de l’Alliance de la nation, dans laquelle de nombreux partis anti-kurde, et qui allait de la gauche à, y compris, des partis d’extrême droite. La possibilité de battre Erdogan, la volonté pour le HDP de ne pas porter la responsabilité de la défaite a été au cœur de ce choix que certains contestent.

Il y avait aussi l’espoir de faire sortir les militant·e·s emprisonné·e·s, plus de 3 000, dont Selahattin Demirtaş, et pouvoir enfin militer et se structurer.

Dans tous les discours à la tribune, les prisonniers et particulièrement Abdullah Öcalan sont omniprésents, tout comme la solidarité avec la Palestine.

Tuncer Bakırhan et Tülay Hatimogullari, tous deux les nouveaux co-présidents du HEDEP, condamnent les actes du Hamas et ils rappellent : « Les Kurdes subissent les mêmes bombes (que les Palestiniens) de l’État turc au Rojava. Le régime turc dit «pleurer pour la Palestine», mais ils ne versent pas une seule larme pour le Rojava. »

Le soir, lors du repas des délégué·e·s, un appel à créer un grand mouvement international pour la paix a été lancé.

Une autre intervenante a axé son propos sur la grave crise économique que subissent les peuples turc et kurde, l’inflation, le pouvoir d’achat et les problèmes sociaux qui se multiplient, la nécessité de mobiliser contre la politique économique d’Erdogan.

Le lendemain du congrès, les délégations étrangères étaient invitées à assister à une séance du procès de Kobanê, dans une immense salle glaciale du tribunal d’Ankara, où nous ne pouvions qu’agiter de loin nos mains en signe de solidarité aux accusés et aux avocats qui étaient présents. Ce procès est l’illustration parfaite du cynisme et de l’acharnement du gouvernement turc contre le HDP. En 2020, c’est 108 dirigeants du HDP dont Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdağ qui sont emprisonnés, et risquent la prison à vie. Le gouvernement turc les accuse d’avoir provoqué la mort de 37 personnes lors des manifestations qui avaient dégénéré en soutien à Kobanê en 2014. Le HDP avait alors appelé à manifester pacifiquement en solidarité avec les habitants de Kobanê, pour protester contre l’inaction, voire la complicité du gouvernement turc dans la bataille contre Daesh.

Aujourd’hui, et malgré l’arrêt de la Cour européenne de justice qui affirme que ni Selahattin Demirstas ni le HDP n’ont de responsabilités, le procès dure encore. Trente-neuf membres de sa direction se trouvent toujours en prison, d’autres assignés à résidence. Le procureur demande au total 300 ans de prison contre Selahattin Demirtaş. Gültan Kışanak, maire de Diyarbakir et d’autres risquent la prison à vie.

Nous souhaitons plein succès dans ses combats au Parti de l’égalité et de la démocratie des peuples (HEDEP).

Raphaëlle Primet