Une bonne nouvelle venant d’Irlande

Publié le 31 mai 2023

La victoire des conservateurs espagnols aux élections municipales et des communautés autonomes ce dimanche 28 mai, qui vient après celle, très large, de leurs alliés grecs aux élections législatives de dimanche dernier, dessine un paysage inquiétant pour la gauche en Europe. Une droite radicalisée, rêvant d’une sortie de crise autoritaire, en alliance avec l’extrême droite ou ayant absorbé cette dernière, sort renforcée de ce cycle électoral. Le vent est mauvais. Une analyse, et surtout une réaction à la hauteur, à gauche, est non seulement nécessaire mais aussi urgente. Nous y reviendrons dans les livraisons ultérieures de cette rubrique.

Il y a malgré tout une bonne nouvelle. Elle nous vient d’Irlande, où les héritiers de Wolfe Tone, de Pádraig Pearse, de Constance Markievicz et de Bobby Sands, porteurs d’une idée républicaine, civique, inclusive et émancipatrice de la nation, marquent de nouveaux points.

Le samedi 20 mai, en effet, ont été proclamés les résultats des élections des conseils locaux dans les six comtés du nord de l’Irlande. C’est une nouvelle victoire historique pour le Sinn Féin, qui arrive en tête du scrutin en faisant élire 144 conseillers et en obtenant 30,9 % des votes de première préférence selon le système en vigueur en Irlande. Il gagne 39 sièges et passe largement devant le parti unioniste ultra-conservateur DUP.

Nous reproduisons ici la déclaration de la présidente du Sinn Féin, Mary Lou McDonald : « Le Sinn Féin s'est présenté aux élections et a mené campagne avec un message positif pour faire en sorte que la politique profite à tous. Les candidats du Sinn Féin travailleront tous les jours dur dans les conseils locaux. L'élection a été l'occasion d’envoyer un signal clair : pour soutenir un leadership positif, pour une Assemblée législative qui fonctionne, pour soutenir la population sur le coût de la vie et investir dans la santé. Les électeurs ont maintenant parlé ; nous sommes le plus grand parti du gouvernement local avec 144 conseillers et nous sommes à une époque de changement historique. »
La vice-présidente du Sinn Féin et première ministre désignée dans le Nord, Michelle O'Neill, complète ainsi : « Les gouvernements britannique et irlandais sont co-garants de l’Accord de paix de 1998 et de ses institutions politiques.

La responsabilité repose maintenant fermement sur les deux gouvernements pour qu’ils se rencontrent et élaborent un plan de rétablissement du pouvoir. Ils devraient convoquer une conférence intergouvernementale anglo-irlandaise dès que possible pour remettre en place et faire fonctionner les institutions. Le Sinn Féin est prêt à continuer le travail et travailler avec d'autres pour faire bouger les choses, sans plus tarder. Malgré les défis auxquels nous sommes confrontés, nous vivons à une époque d'énormes espoirs et d’optimisme. Le paysage politique à travers l'île change et le Sinn Féin est prêt à diriger ce changement. Nous sommes dans une décennie d'opportunités, et les gens veulent un nouveau départ. Nous avons dit que nous travaillerons pour tous ; et j'ai dit que je travaillerai comme première ministre pour tous. Nous sommes prêts à commencer ce travail aujourd'hui. Le boycott de l'Assemblée par un parti ne peut pas continuer et un exécutif doit être formé. Il est temps de faire fonctionner les institutions pour mettre en œuvre une politique pour tous et toutes sur l’île. »

Ces opportunités sont certaines. Les partis soutenant l’unité de l’Irlande au Nord représentent 41,5 % des voix, tandis que les partis unionistes n’en totalisent que 38,1 %. C’est un basculement, certes fragile mais historique.

La période qui s’ouvre est déterminante pour l’avenir de l’Irlande. Elle est également pleine de dangers. Les unionistes du DUP, non contents de figurer parmi les pires réactionnaires en Europe sur toutes les questions sociales et sur les droits des femmes, mènent la politique du pire en refusant de reconnaître les résultats des élections législatives du 5 mai 2022 (il y a plus d’un an !) qui ont vu la victoire du Sinn Féin. Ils bloquent les institutions, ce qui a des conséquences dramatiques sur les services publics d’Irlande du Nord. Le « cadre de Windsor », signé en février 2023 entre Londres et l’UE, ne les a pas fait dévier de leur ligne dure.

Le processus de paix engagé en 1998 a 25 ans. Il peut être compromis, du fait de ces manœuvres irresponsables.

Dans ce contexte, le PCF a réaffirmé, à de nombreuses reprises, sa solidarité avec le Sinn Féin. La vidéo de salutations envoyée à notre congrès par Declan Kearney, le « chairperson » de l’organisation, l’a souligné. Il milite également pour une action résolue de la France et du gouvernement. Depuis longtemps, des liens particuliers ont été tissés entre la France et l’Irlande. Les républicains irlandais ont puisé leur élan dans la Révolution française, comme l’a rappelé Declan Kearney dans sa vidéo. Une action spécifique de la France, qui est désormais le plus proche voisin de l’Irlande dans l’UE, en faveur d’un futur partagé et démocratique pour toute l’Irlande, dans la perspective de son unité, serait à la hauteur de son histoire.