Contre la dette à perpète. Éric Bocquet en appelle à la fin de la tutelle de la finance

Publié le 20 décembre 2023

Le sénateur communiste du Nord, Éric Bocquet, s’en dit convaincu : « Nous [la France] ne sommes pas condamnés à la dette "à perpète"... ». C’est ainsi qu’il conclut le livre justement intitulé La dette à perpète ?* qu’il a écrit cet été et publié en novembre.

Après deux ouvrages consacrés à l’évasion fiscale, Éric Bocquet poursuit donc son œuvre pédagogique pour, cette fois, décortiquer le fonctionnement de la dette publique, pour la démystifier, pour, dit-il, « engager une véritable réflexion sur un mode alternatif de financement de l’État et de la société. »

Il le fait sur un peu plus de 90 pages très accessibles et divisées en une trentaine de chapitres qui sont autant de questions et d’explications sur le fonctionnement de cette dette dont l’essayiste Alain Minc prétend au contraire qu’elle devrait être à perpétuité. En cela le travail du sénateur est une pépite.

La démonstration commence fort avec un rappel des propos du président Macron qui, s’adressant à une infirmière le 5 avril 2018, lui affirmait : « Il n’y a pas d’argent magique. » Cette infirmière l’avait interpellé sur l’insuffisance des moyens alloués à l’hôpital public. Deux ans plus tard, la pandémie de Covid 19 change tout. « L’argent magique apparaît, l’État déverse des milliards pour financer les masques, les tests, les vaccins, mais aussi les entreprises (…) et les ménages (...) ». La suite est connue mais elle interpelle d’autant l’auteur pour qui : « Nous sommes nombreux à penser qu’il est temps d’engager un autre débat sur la dette publique en général », alors que celle-ci approche le seuil des 3 000 milliards d’euros.

Alors que les collectivités locales sont tenues de présenter chaque année un budget équilibré, le dernier budget à l’équilibre de la France remonte à 1974. Ce presque demi-siècle de dette publique n’empêche pas les discours officiels d’être anxiogènes et de culpabiliser les citoyens. C’est ainsi qu’on leur impose la réforme des retraites, celle du chômage, etc. L’adoption de la réforme des retraites avec l’article 49,3 visait à « donner un "gage sérieux" aux marchés financiers qui investissent dans nos titres de dette publique », écrit Éric Bocquet.

Il est là, le « loup » : l’État est passé d’un système, le « Circuit du Trésor », consistant à financer les dépenses de l’État par des bons du Trésor à un système consistant à placer la dette de l’État sur les marchés financiers. Voilà la marque incontestable du néo libéralisme qui nous domine depuis plus de 40 ans.

Dès lors, l’État étant soumis aux marchés financiers, la spirale devient infernale. La France a beau faire tous les efforts possibles, elle est comme un hamster qui fait inlassablement tourner sa roue sans résultat. La politique se fait sur les marchés financiers et la feuille de route veut qu’il nous faut travailler plus longtemps et se priver davantage. Les marchés financiers ont tout intérêt à ce que cela dure. 

Pour Éric Bocquet, il faut refuser cette fatalité. « Il est temps, affirme-t-il, d’avancer vers les nouvelles sources de financement de l’État, des grands services publics, et des grands défis de notre temps. » Des moyens peuvent déjà être trouvés en s’attaquant aux niches fiscales et à l’évasion fiscale, en maîtrisant mieux les aides aux entreprises, en reconquérant la souveraineté de l’État.

Philippe Allienne

* La dette à perpète ?,
Éric Bocquet, Le Temps des Cerises, 16 euros.

Photo : Marc Dubois