G7 : les hypocrites

Que retenir de ce G7 avant la prochaine édition, dans un an, à Miami, quelques semaines avant la présidentielle américaine ? Ça promet...

Une première pensée pour les habitants de Biarritz, mais aussi de Bayonne et d’Anglet, plus largement ceux de la côte basque, de l’intérieur des terres (avec le déplacement des « premières dames » - j’ai cette expression en horreur - pour aller découvrir le piment, la pelote basque), qui ont vécu ces journées sécurisées. Bunkérisées. Je croyais bien connaître ma région. Connaissez-vous la route de la côte, la Corniche, qui va de Saint-Jean-de-Luz à Hendaye ? Ou encore le petit Bayonne, les bords de la Nive ? Les images d’une ville vidée de ses habitants et des personnes qui viennent découvrir ce territoire m’ont saisi. Sidéré. On éprouve alors une sorte de vertige, de malaise. Comment cela est-il réalisable ?

Je comprends bien évidemment les mesures de sécurité, mais nous atteignons un stade ultime où ces plages désertées, ces places publiques nettoyées en disent long sur l’isolement des puissants, incapables de répondre aux défis et aux besoins de la période.

De très nombreux journalistes n’ont pas pu exercer leur métier. Nasse policière pour les empêcher de filmer la manière dont les forces de l’ordre ont mis la pression sur les organisateurs et les participants du contre-sommet. Du matériel confisqué. Des intimidations. Des journalistes étrangers en ont été profondément choqués : « Nous sommes bien en France ? ». Idem pour des observateurs pacifiques, ceux d’Amnesty France, de la LDH. Une commission d’enquête sur la manière dont le pouvoir se comporte quand des opposants à la politique macronienne s’expriment devient une nécessité démocratique. Et quid des suites judiciaires ? Est-il toujours possible de contester la politique actuelle en ayant la garantie de droits démocratiques consubstantiels d’un État de droit ?

Le thème principal de ce G7 était la lutte contre les inégalités. La puissance invitante, qui est le plus gros payeur de dividendes en Europe, avait proposé d’en finir avec une déclaration commune. Donc, ce groupe des 7, principaux acteurs des inégalités et de leur folle progression dans leur pays et à l’échelle du monde, s’en tire à bon compte. C’est aussi le cas sur les enjeux climatiques. Malgré l’affichage sur le Mercosur et la forêt amazonienne, le libre-échangisme est le grand gagnant de ce sommet avec un Donald Trump à l’offensive avec le Japon et Boris Johnson. Ces 7 hypocrites, avec Emmanuel Macron en chef d’orchestre, ont joué une pièce bien mal ficelée dont on connaît l’épilogue : le capitalisme et son incapacité à régler les défis sociaux et environnementaux. Tiens, il n’a quasiment pas été question du ralentissement de l’économie mondiale, des risques de récession. La taxe Gafa, déjà réduite à un pistolet à eau, va très certainement, via sa traduction à l’échelle de l’OCDE, être de nouveau rabotée. Qu’à cela ne tienne, diront les plus optimistes, ce G7 propose de réduire la vitesse des porte-conteneurs maritimes. Quelle audace !

Le Président avait l’objectif de profiter de l’affaiblissement politique des Européens autour de la table (Angela Merkel avec un pays au bord de la récession, l’Italien sur le départ, le Britannique qui ne dispose que d’une seule voix de majorité à Westminster). Les échanges avec Poutine à Brégançon puis l’arrivée surprise du ministre iranien des Affaires étrangères ont fait le buzz. Et après ? Le macronisme diplomatique est d’abord une communication, puis très vite une illusion et enfin une désillusion. La vérité est que la France a considérablement perdu sa capacité à porter, à l’échelle du monde, une vision, et donc à se faire entendre. Trump a quitté Biarritz sans rien lâcher. Le national-libéralisme n’a pas connu de défaite à Biarritz. Bien au contraire.

Sur le plan intérieur, nous sommes face à plusieurs rendez-vous très importants. Avec la réforme de l’assurance-chômage et celle des retraites. Le gouvernement est déterminé, tout en redoutant un nouvel embrasement social. Sur les retraites, il propose donc une nouvelle « concertation », une consultation citoyenne avec un calendrier renvoyant la patate chaude après les municipales. La situation dans les services des urgences, et au sein de l’hôpital en général, est explosive. Les 70 millions d’Agnès Buzyn, qui doit faire de nouvelles annonces en septembre, ont été vécu comme une véritable provocation. La colère est aussi dans les rangs des pompiers, des forces de l’ordre, des agriculteurs après le vote du CETA, des salariés menacés de licenciements. L’examen du budget 2020, avec la sphère sociale de nouveau dans le viseur, va se faire dans un contexte économique mondial extrêmement préoccupant. La rentrée parlementaire va traiter de la PMA et de la politique migratoire, le CETA arrive au Sénat en octobre. Les municipales sont dans toutes les têtes.

E. Macron et sa majorité veulent consolider un socle électoral à 25 %, avec un baromètre de bonne opinion à 1/3. Le pari est que cela peut assurer un nouveau mandat en 2022 à condition de continuer à faire la promotion de l’extrême droite française, tout en scénarisant un affrontement avec le chef d’État d’extrême droite brésilien. Hypocrisie. Ce pari repose aussi sur l’absence d’alternative crédible dans le champ des vrais progressistes, de la gauche, des forces politiques, sociales, associatives, qui veulent stopper Macron avant un nouveau séisme politique de très forte magnitude. Notre pays dispose de ressources considérables. L’égalité reste une passion française. Oui, mais rien n’est vraiment possible sans un espoir. L’utilité du PCF est d‘y travailler à partir des travaux de notre université d’été et en assurant la réussite de la prochaine Fête de l’Huma.

Olivier Dartigolles, membre du CEN.