Le choc, la tristesse, la consternation suite à l'événement du CHU de Reims, ce 22 mai.

Toutes nos pensées vont à la famille de Carène, 38 ans, décédée cette nuit des suites d'une agression violente au couteau par un patient déjà connu pour des troubles psychiatriques sévères.

Notre soutien va aussi à la secrétaire médicale, elle aussi victime et encore hospitalisée, ainsi qu'à tous leurs collègues endeuillés.

 

Pour l’heure nous ne connaissons rien des circonstances exactes de ce drame, ni de ce qui a pu conduire cette personne à de tels actes.

Mais il ne faudrait pas que cela conduise à une stigmatisation des patients suivis en psychiatrie. Chaque jour les soignants dénoncent la déshérence, alertent à répétition leurs directions, le ministère de la Santé, du manque de moyens et de formation des services de psychiatrie qui ferment les uns derrière les autres depuis 10 ans.

François Braun annonce ce matin, « la réunion d'un comité sur la sécurité des soignants », titre l'APM News! Est -il besoin de rappeler que, de la sécurité des soignants dépend la sécurité des patients et vice et versa ?

Rappelons que si les personnes souffrant de psychose ne sont statistiquement (d’après les chiffres avant Covid) pas plus dangereuses que la population générale, le risque suicidaire est six fois plus élevé chez elles.

Depuis des décennies, la psychiatrie voit ses moyens diminuer proportionnellement à la population, les services d'hospitalisation et services ambulatoires sont saturés, les listes d'attente s'allongent, provoquant une rupture de soins et des patients fragiles psychiquement, abandonnés sans accueil, ni soins.

Or l’on sait que le risque de tels actes auto ou hétéro-agressifs est majoré en cas de rupture de soins.

La psychiatrie de secteur avait été pensée pour garantir la continuité des soins de prévention de cure et de postcure. Cette continuité ne devait plus reposer sur la contrainte comme du temps de l’asile, mais sur la qualité du lien relationnel entre chaque patient et les soignants. C’était un parcours de soins spécifique avant l’heure.

Pourtant depuis la Loi Touraine, les patients dit stabilisés sont censé ne plus être suivis en ambulatoire par leur secteur, mais doivent intégrer le parcours de soins généraliste, comme les autres pathologies. Alors que l’on sait que si ces patients vont bien, c’est parce qu’ils bénéficient de ce suivi. C’est ce que montre avec force et humanité le film « Sur l’Adamant ».

Aujourd’hui par cette politique, on organise la rupture de soins !

Par ailleurs, les conséquences sociales du Covid ont provoqué une explosion de décompensations psychiques dans toutes les tranches d’âge, les tout petits, les adolescents, les adultes et les personnes âgées.

La seule réponse du gouvernement a été de rembourser quelques séances de psychologue libéral (normalement les séances de psychologues ne sont pas remboursées), alors que chaque année des centaines de psychologues nouvellement formés doivent renoncer à leur métier par manque de poste en psychiatrie de secteur et parce qu’ils n’ont pas les moyens financiers d’ouvrir un cabinet.

Pour prévenir d’autres drames que celui qui vient de survenir à Reims, même si on sait qu’on ne pourra jamais tous les prévenir, nous exigeons en urgence :

  • une augmentation des moyens de la psychiatrie de secteur, avec l’embauche dès cet été d’au moins deux psychologues par secteur sur des postes titulaires

  • la reconnaissance de la psychiatrie comme une discipline à part entière et non comme une spécialité médicale comme les autres

  • et de ce fait la reconnaissance du dispositif de secteur comme un parcours de soins spécifique pour ce qui concerne les pathologies psychiques