Le Conseil d’État rectifie Castaner

Après ses observations sur le projet de loi de destruction du système de retraite, et en l’espace de quelques jours, le Conseil d’État vient d’infliger au gouvernement un nouveau camouflet en rectifiant radicalement la circulaire Castaner sur les élections municipales.

 

Le 7 janvier, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a adressé une lettre circulaire aux préfets sur les procédures d’étiquetage politique des listes et des candidat·e·s aux élections municipales de mars 2020.


Contrairement à l’usage qui veut qu’une telle circulaire touchant à l’organisation du scrutin et surtout à la publication officielle des résultats soit rendue publique, celle-ci n’a été publiée ni au Journal officiel, ni sur le site Web du ministère, ni n’a été intégrée dans le guide du candidat aux municipales édité par le ministère. Heureusement la presse a reçu communication de cette circulaire via certains lanceurs d’alertes tapis dans les préfectures. Ce qui lui a permis de sonner le tocsin, entrainant ainsi plusieurs plaintes auprès du Conseil d’État.


Cette circulaire visait en toute opacité à limiter l’étiquetage politique des listes et des candidats aux communes de plus de 9 000 habitants, faisant disparaitre par avance la prise en compte de l’expression démocratique par le bulletin de vote de plus de la moitié du corps électoral du pays. En effet, de par sa faible implantation militante hors des grandes villes, de par la composition sociale CSP+ de ses candidat·e·s présente seulement dans certains quartiers, et de par le peu d’appétence des candidat·e·s de LaREM aux municipales à assumer publiquement la politique antisociale de Macron, le résultat national en voix de ces élections risque de montrer à quel point le parti présidentiel est minoritaire dans le pays.


Certes ce n’est pas la première fois que le ministère de l’Intérieur se livre, avec les étiquettes politiques qu’il attribue aux candidat·e·s, à des manipulations de consolidation nationale des résultats électoraux pour atténuer la perception d’une déroute électorale. Ainsi en 2015, lors des élections départementales, les binômes de candidats où le PCF était associé avec un·e candidat·e- d’une autre force politique étaient systématiquement étiquetés divers gauche, alors que ceux où un·e candidat·e du PS était en binôme avec une autre force étaient comptés au crédit de la majorité présidentielle de l’époque.


Cependant, cette circulaire marque un changement d’échelle. Il s’agit d’une opération massive de fraude électorale institutionnalisée, afin de camoufler la défaite annoncée de LaREM.
Cette circulaire s’inscrit dans la stratégie de délégitimation des partis politiques et de la démocratie poursuivie par Emmanuel Macron depuis 2017. L’élection présidentielle deviendrait ainsi la seule échéance politique et démocratique, à l’exclusion de toutes les autres, qui légitimerait par anticipation et sans débat, contestation ou opposition possible pendant cinq ans tous les actes et actions du Président de la République et de son gouvernement. Les élu·e·s, du conseiller municipal au parlementaire, seraient réduits alors au rôle de fonctionnaires de la « société de vigilance » souhaitée pour notre pays par Emmanuel Macron. Ils ne seraient alors plus qu’un « corps intermédiaire » fusible du pouvoir étatique, en porte à faux avec la volonté de leurs électeurs, seulement mandatés pour faire la pédagogie de la politique du gouvernement et pour la mettre en œuvre.


Le « nouveau monde » ne rêve-t-il pas secrètement de revenir au temps du début de la IIIe République où les maires étaient désignés par les préfets ?
Cette circulaire n’était-elle pas symptomatique d’un Emmanuel Macron, certes légalement élu mais sans légitimité démocratique, qui se comporte comme le fondé de pouvoir des 1 % de profiteurs du capitalisme financier et non comme le président de toutes les Françaises et de tous les Français.


À juste raison, le Conseil d’État a rappelé le principe d’égalité entre tou·te·s les citoyen·ne·s français·es, malheureusement sévèrement mis à mal par les politiques de discriminations territoriales et sociales menées par le gouvernement d’Édouard Philippe.


Le Parti communiste français se félicite de la décision du Conseil d’État et appelle le ministre de l’Intérieur à avoir désormais un comportement républicain exemplaire.


Yann Le Pollotec,
secteur Élections