Loi de programmation militaire 2024-2030 - Une « guerre d’avance » à 413 milliards au risque d’avoir une paix de retard...

La loi de programmation militaire(LPM) prévoit de consacrer, sur la période 2024-2030, 413 milliards d’euros pour nos armées, soit une augmentation de 35 % par rapport au précédent exercice (2019-2025). Du jamais vu ! Le budget de la Défense va ainsi grimper, chaque année, de trois puis quatre milliards, pour s’établir en 2030 à 69 milliards. Il aura ainsi plus que doublé par rapport à 2017.

Surtout, il occupera alors la place hautement symbolique de premier budget de l’État, devant celui de l’Éducation, de la Santé ou de la Justice. Il sera aussi vingt fois supérieur à celui de la diplomatie, signal inquiétant de la prédominance accordée au recours à la force.

Une telle trajectoire ne peut convenir aux communistes, d’autant plus qu’elle traduit une doctrine et une stratégie dominées par une armée de projection au service de l’Otan et par un renforcement de notre arsenal nucléaire. 

Le modèle d’armée proposé par cette LPM est en effet celui d’une armée dimensionnée pour développer des opérations extérieures, dans le cadre d’une alliance dominée par les États-Unis. Il est temps de tirer le bilan de notre présence en Afrique comme au Sahel ou de nos interventions en Afghanistan ou en Libye. Elles ont provoqué du ressentiment, le chaos et n’ont en rien fait reculer les forces islamistes, au contraire. Les compétences exceptionnelles et la bravoure de nos soldats ne sont bien sûr pas en cause, mais elles seraient plus utiles au sein des Casques bleus.

Un porte-avions coûteux

Ce modèle expéditionnaire n’a jamais été questionné. Il soulève pourtant une question fondamentale : avons-nous les moyens de nous payer une telle armée d’intervention sur des terrains lointains et en même temps une armée capable d’assurer pleinement la sécurité de tous nos territoires ainsi que la protection de tous nos concitoyens, sur tous les continents ? Assurément non. La construction d’un porte-avions nouvelle génération pour dix milliards d’euros, objet de prestige, n’est à cet égard pas indispensable. Il y a mieux à faire quand la défense opérationnelle de notre territoire révèle des lacunes aussi criantes. Il faudra aussi revoir notre modèle industriel de l’armement, trop précaire, trop dépendant d’autres pays, comme de l’exportation et la vente d’armes à l’étranger. Un pôle public de l’industrie de l’armement serait un meilleur garant de notre souveraineté.

Entretenir la dissuasion nucléaire, pas la développer

L’engagement financier de cette LPM dans la dissuasion nucléaire est tel qu’il vampirise le reste des dépenses. De nombreux programmes d’équipements (frégates, Rafale, hélicoptères, drones de surveillance…) ont ainsi dû être reportés au-delà de 2030, faute de moyens suffisants.

Même s’il n’est mentionné nulle part en toutes lettres, ce qui pose un sacré problème de transparence, le coût de cette « voûte » nucléaire représente 13 % de la LPM, selon l’indication donnée à l’oral par le ministre Sébastien Lecornu. Soit une somme de 54 milliards d’euros sur sept ans, un niveau de dépenses là aussi inédit. En 2030, l’investissement dans le nucléaire militaire coutera 21 millions d’euros par jour, soit le coût d’un collège !

Les communistes ont toujours appelé à débarrasser la planète de l’arme nucléaire. Bien sûr, ce désarmement doit se faire de manière multilatérale, avec l’ensemble des puissances nucléaires. Mais dans l’attente, nous ne pouvons pas nous désengager, seul, au risque d’affaiblir notre défense. C’est pourquoi nous défendons le principe d’entretenir les moyens de notre dissuasion nucléaire sans pour autant la développer.

La France a aussi un rôle diplomatique majeur à jouer, en participant par exemple, comme État observateur, aux prochaines réunions du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Il est donc plus que temps d’organiser un véritable débat devant les Français sur une politique décidée dans les années soixante et jamais rediscutée depuis.

Pour un modèle d’armée exclusivement défensif

Il est également urgent, pour les communistes, d’adopter un modèle d’armée bien différent de celui proposé par cette LPM. Libéré des influences du commandement américain de l’Otan, le nouveau schéma devra être taillé exclusivement pour la défense de notre territoire national et pour la protection de nos concitoyens, en Océanie, dans l’océan Indien, en Amérique ou en Europe. Il ne s’agit en aucun cas de baisser la garde. Notre armée doit être forte, efficace, pour nous protéger de toute attaque extérieure comme du terrorisme. Elle doit être capable de sécuriser nos zones économiques exclusives, d’anticiper les attaques cyber et de prémunir l’espace de toute militarisation.

C’est la raison pour laquelle toutes les dépenses permettant à nos armées de disposer des meilleurs matériels, à la pointe des nouvelles technologies et à nos soldats d’être bien équipés, bien formés, mieux entraînés et mieux rémunérés sont pleinement justifiées. Face au contexte de guerre et de tensions internationales, il fallait augmenter le budget des armées, mais certainement pas le doubler !

L’objectif prioritaire doit rester la recherche de la paix, le respect du droit international assorti d’un soutien sans failles aux actions impulsées par les Nations unies. Le Président de la République proclame haut et fort qu’il faudrait avoir « une guerre d’avance ». Le plus grand risque, avec une telle loi de programmation militaire, serait d’avoir une paix de retard, si rien n’est fait politiquement pour désarmer les conflits et garantir la sécurité collective de chaque nation.

Laurent Watiez