Manouchian après le Panthéon

Publié le 06 mars 2024

Il faut regarder le réel en face. Il y a quelques semaines, face à une trentaine d’étudiants de la Sorbonne, je tentais la question : Qui est Manouchian ? Long silence…

Ajouterai-je qu’il s’agissait d’étudiants en histoire ? C’est ainsi : malgré le PCF, malgré Éluard, malgré Aragon, malgré Ferré, malgré Pignon-Ernest, malgré Teboul, malgré C215.

C’est la force d’une panthéonisation que de déchirer avec éclat les voiles d’oubli qui se déposent insensiblement. Une mémoire a été ravivée pour des centaines de milliers de personnes. Un segment de l’histoire de France a été proprement découvert pour des millions d’autres.

L’érudition nationale s’est renforcée, pourra-t-on se réjouir, mais qui ne mesure qu’il ne s’agit pas là seulement d’érudition sans conséquences ? À l’heure des spasmes xénophobes et de tous les phantasmes autour de la « France éternelle », la trajectoire de Manouchian remet bien des pendules à l’heure. Pensez donc, qui vient d’entrer au Panthéon à l’émerveillement de tous, si ce n’est un immigré qui ne se fait pas gentiment exploiter en silence mais revendique, se syndique, se bat ? Pire : un immigré qui connaît même un temps le chômage. Oui, c’est presque le portrait-robot du Mal absolu selon l’extrême droite qui vient d’être honoré en emportant par la force de sa vie l’admiration générale.

Nous aurions tort de laisser retomber la poussière sur le buste éclatant de ce communiste que tant de nos concitoyens découvrent et qui parle tant pour aujourd’hui. Des graines ont été semées, une curiosité s’est dressée. Du Havre à La Seyne, de Perpignan à Onnaing, partout où sont organisées des initiatives, le public afflue, mêlant les habitués à un grand nombre de têtes nouvelles.

Manouchian au Panthéon : c’est la fin d’un long combat ; c’est aussi le début d’un autre dans les conditions nouvelles créées par cette conscience partagée.

Guillaume Roubaud-Quashie
membre du CEN

Article publié dans CommunisteS, n°986, 6 mars 2024.